Depuis dix ans, l'Académie du journalisme et des médias de Neuchâtel permet aux futurs journalistes de se former dans le cadre d'un Master universitaire, tout en réalisant des stages dans les rédactions. Une journée spéciale d'anniversaire a proposé diverses conférences et tables rondes ce samedi à l'aula des Jeunes-Rives
Depuis dix ans, l’Université de Neuchâtel propose une offre unique en son genre en Suisse : une formation académique qui prépare au métier de journaliste. L’Académie du journalisme et des médias (AJM) a fêté sa première décennie ce samedi à l’Aula de la Faculté des Lettres. Plusieurs tables rondes ou conférences ont permis aux étudiants – anciens ou actuels – et aux professionnels des médias présents dans l’assistance, de se questionner sur l’évolution et le sens du métier de journaliste.
Quand le journaliste entre en scène
Parfois, une information en devient vraiment une lorsque son auteur-e prend le temps d’expliquer les circonstances de son reportage. Il arrive donc que le/la journaliste choisisse de sortir de sa réserve pour s’adresser au public à la première personne, afin d’expliquer un détail de l’enquête pour mieux restituer le réel. Cette posture réflexive, qui ne date pas d’hier, pourrait toutefois gagner en importance dans la profession, à l’heure où il s’agit de restaurer un lien de confiance entre un public toujours plus méfiant à l’endroit du travail des journalistes.
La question a fait l’objet d’une table ronde captivante durant l’après-midi, avec la contribution vidéo de l’Américain Ted Conover, pilier du nouveau journalisme. L’auteur s’est fait connaître notamment pour son enquête immersive dans la prison américaine de Sing Sing dans l’Etat de New York. Ses réflexions sur la posture du journaliste avec ses forces et ses faiblesses, ont lancé la discussion sur les façons de restituer au plus près la vérité du terrain.
Et c’est précisément pour mettre au jour les non-dits que la journaliste Camille Krafft, lauréate du Prix Jean Dumur 2017, a choisi d’employer le « tu » dans l’entame de son portrait de Christian Constantin.
L’auteure vaudoise relève que son interlocuteur n’hésite pas à instaurer un rapport de domination en l’appelant d’entrée de jeu « cocotte ». La journaliste explique ce qu’elle ressent et offre aux lecteurs des clés de lecture supplémentaire pour saisir les méthodes du personnage.
Quand tu es journaliste et que Christian Constantin t’appelle deux fois « cocotte » pendant l’interview. La réaction de Camille Krafft #AJM10ANS pic.twitter.com/k4Ocib09Jp
— Semaine des médiasCH (@SemainemediasCH) 15 septembre 2018
Les journalistes sont même invités à monter sur scène pour raconter leurs reportages. En témoigne le concept importé des États-Unis par Florence Martin-Kessler. L’ancienne journaliste pour Arte a fondé le Live magazine. Elle assure que le public répond présent lors de ces performances et que l’information passe d’autant mieux qu’elle est incarnée.
Enfin le journaliste et auteur français David Dufresne a lancé un plaidoyer en faveur d'un journalisme de prise de risque, qui parle en « je » et qui sorte des sentiers battus. Seuls les articles ou reportages singuliers ont une chance de marquer les esprits.
. @davduf : « j’adore quand l’AFP est en grève. Le lendemain, les journaux ont tous des trucs différents ». L’avenir du journalisme est le journalisme singulier, super enquêtes, usage du « je », prise de risque, etc. #AJM10ANS
— Serge Michel (@SergeMichel_hD) 15 septembre 2018
Dernier temps fort de la journée avant les réjouissances, la table ronde réunissant la journaliste et grand reporter indépendante Anne Nivat ainsi que le sociologue Erik Neveu.
@AnneNivat : «aller vers le réel, c'est un effort. Même quand la réalité est terne» #AJM10ANS pic.twitter.com/Oya2AvkNai
— David Dufresne (@davduf) 15 septembre 2018
Le canton raconté par des étudiants francophones
Les dix ans ont aussi été l'occasion pour quatorze étudiants venus de l’AJM, de l’Ecole de journalisme de Louvain en Belgique et du Master de Journalisme et médias numérique de Metz en France, de suivre une masterclass sous la conduite de David Dufresne. Tous avaient vingt-quatre heures pour s’immerger dans la vie neuchâteloise et ramener un récit collectif et multimédia. Le but de la démarche était aussi de réfléchir à leur futur métier, au contact d’un terrain inconnu. Le résultat des travaux est visible sur la plateforme web de l’AJM.
Entretien avec Annick Dubied
La réflexivité est au cœur de la mission de l’Académie du journalisme et des médias. Sa directrice, Annick Dubied, rappelle que l’AJM a formé depuis dix ans pas moins de 217 diplômés. Réjouissant quand on sait qu’ils sont près de huit sur dix à exercer le métier. Est-ce à dire que la crise dans la presse romande n’a pas eu d’impact sur les effectifs en formation ? Notre entretien avec Annick Dubied :
L'AJM prépare aux évolutions du métier
Des propos recueillis par Gabriel de Weck. /gwe