Ophtalmologie : guerre ouverte entre Genolier et l'Etat

Le Conseil d’Etat neuchâtelois décide de lever la clause du besoin pour les ophtalmologues ...
Ophtalmologie : guerre ouverte entre Genolier et l'Etat

L'hôpital de la Providence à Neuchâtel L'Hôpital de La Providence à Neuchâtel.

Le Conseil d’Etat neuchâtelois décide de lever la clause du besoin pour les ophtalmologues démissionnaires de l’Hôpital de La Providence, selon nos informations. Les praticiens pourront donc ouvrir leur Centre neuchâtelois d’ophtalmologie, le CNO, dans le bâtiment des Armourins – anciennement Globus – en ville de Neuchâtel. Ils collaboreront avec l’HNe en assurant des prestations à La Chaux-de-Fonds, reste à définir sous quelle forme.

L’ouverture du CNO était conditionnée à la possibilité de développer un service de chirurgie ambulatoire comprenant un bloc opératoire. Cette demande doit être soumise au Conseil d’Etat, après un préavis d’une sous-commission et du Conseil de Santé. Les trois entités ont donné leur accord.


La version des uns et des autres

Mais si l’on croyait la partie jouée, il semble que ce dossier soit en réalité entaché de quelques irrégularités à en croire certains…

L’Hôpital de La Providence, premier concerné,  ne s’oppose pas à la levée de la clause du besoin: il est satisfait que l’offre puisse s’étendre dans le canton. Mais il dénonce la manière dont les choses ont été faites. La clause du besoin est utilisée soit pour bloquer des projets, soit pour les favoriser quand ça arrange les parties concernées, déplore Antoine Hubert, administrateur délégué du groupe GSMN.

Les ophtalmologues démissionnaires de La Providence, invités à présenter leur projet devant le Conseil de Santé, ont dégainé les arguments, non sans égratigner le groupe GSMN et dénoncer certaines pratiques qui ne leur convenaient pas. L’absence totale de formation pour la relève, le manque d’autonomie médicale ou le fait que le CNO ne va pas favoriser les riches.

De son côté, La Providence n’a pas été auditionnée. Un scandale pour Antoine Hubert.  Une clause du besoin est là pour éviter une offre pléthorique. Et pour cela, il faut avoir une connaissance de ce qui existe et donc entendre les prestataires qui sont sur le marché. Or l’Etat s’est contenté des déclarations fallacieuses de médecins qui souhaitent ouvrir une prestation concurrente, regrette-t-il.

Et de démonter les arguments un à un : l’Hôpital assure continuer à former des médecins. GSMN dit aussi laisser une totale liberté aux praticiens, preuve à l’appui. Il rappelle en outre que La Providence est ouverte à tous les Neuchâtelois, quelle que soit leur assurance. Tel le bon Seigneur, Antoine Hubert ajoute que les salles d’opérations de l’hôpital ont été mises à disposition des ophtalmologues démissionnaires.

Nous avons joint l’ophtalmologue Ralph Kiel. Ce dernier rejette les accusations de « mensonge ». Il regrette de ne pas pouvoir se défendre, mais son employeur actuel (« ndlr : Genolier) lui impose un devoir de réserve.

 

Garanties pas reçues

Reste que si la position des spécialistes reflète leur propre point de vue, La Providence, elle n’a pas eu de droit de réponse, c’est un fait.

Principal visé le conseiller d’Etat en charge de la Santé Laurent Kurth ne se laisse pas démonter : La Providence ne nous fournissait pas de garanties alors que nous lui en avions demandées : nous voulions savoir si elle avait remplacé ces médecins démissionnaires et donc si elle pouvait continuer d’assurer la prestation. Nous avons eu une réponse la semaine dernière, en même temps que la presse ! déplore-t-il.

Faute de garanties et devant l’urgence, le Canton a donc décidé d’autoriser l’achat d’un nouvel équipement pour le futur cabinet médical. Quant à une éventuelle violation du droit d’être entendu de La Providence, le Ministre tranche net : on parle ici d’ambulatoire et non d’hospitalier. La Providence n’est pas concernée.

Discutable encore, la manière dont la sous-commission ad hoc a été formée : cette entité a donné son accord au concept du CNO sans avoir elle-même été validée avant de siéger. Il y aurait vice de forme. Faux, rétorque Laurent Kurth : le Conseil de Santé a accepté de ratifier les trois experts de la sous-commission en connaissant parfaitement la situation.

 

Le Service de la santé rapide comme l'éclair

Etonnante enfin, la vitesse avec laquelle le Service de la Santé publique a rédigé son rapport sur la création du CNO : environ une semaine. Rappelons que dans le cas de la Clinique Montbrillant, qui demande l’autorisation d’installer une IRM, la rédaction du même rapport a pris plusieurs mois et la procédure de consultation a pris un an et demi. On est loin des quinze jours de procédure nécessaires dans le cas du CNO ! Là-aussi, Laurent Kurth est très clair : Le risque de voir la prestation ophtalmique quitter le canton était trop importante pour perdre du temps. Nous avions  affaire à une prestation qui existait déjà et qui risquait de disparaître. Ca n’est pas comparable à un établissement qui veut se développer. Par ailleurs, les coûts de la santé ne sont pas les mêmes pour une IRM ou pour un bloc-opératoire de ce type.

Reste que La Providence dénonce des traitements inégalitaires. En aucun cas, assure-t-elle, elle ne veut empêcher un concurrent de s’installer en ville. Antoine Hubert est clair : Je ne peux pas dire s’il y aura un manque à gagner ou non, mais nous avons remplacé les deux médecins démissionnaires. L’ophtalmologie est en pleine croissance avec la population vieillissante. On ne s’inquiète pas.

 

La Providence démembrée?

Ainsi donc, le plan médical semble relativement serein. En revanche, sur l’échiquier politique, c’est une autre histoire…Comment faut-il comprendre cette rapidité voire cette partialité de la part de l’Etat ? Certains y voient une volonté délibérée d’étrangler  La Providence. Un dossier bouclé aussi vite, on n’a jamais vu ça, commente un observateur des milieux politiques.

Volonté délibérée ? Difficile à vérifier. Le ministre mais également président du Conseil d’administration de l’HNe  Laurent Kurth ne dévoilera en tout cas pas à la presse les cartes qu’il a dans sa manche. Mais nous avons aussi appris entre temps que l’Hôpital neuchâtelois a résilié au 31 décembre 2014 le bail des locaux de néphrologie de La Chaux-de-Fonds, locaux occupés par…La Providence. L’HNe entend assurer par des compétences internes des prestations de néphrologies, comme dit dans la lettre. On n’en saura pas plus.

Antoine Hubert, lui, analyse une gouvernance  très problématique à Neuchâtel. Les mêmes personnes dirigent plusieurs entités, ça ne va pas. L’homme d’affaires viserait-il Laurent Kurth ? Pas seulement lui,  mais aussi tous ceux qui soutiennent cette manière de faire. Laurent Kurth n’est pas arrivé là tout seul. Pour sa défense, le principal intéressé rappelle que la levée de la clause du besoin a été décidée alors qu’il n’était pas encore président du Conseil d’administration d’HNe.

Ce dossier n’est de loin pas terminé : La Providence annonce qu’elle saisira la justice. /abo


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