Le Grand Conseil neuchâtelois a accepté mardi à une large majorité - malgré une opposition de certains députés de gauche - de durcir la loi sur l'enseignement à domicile pour calquer ses exigences sur les autres cantons romands. La scolarisation à domicile d'un enfant sera soumise désormais à autorisation.
« Il ne s'agit pas d'interdire l'enseignement à domicile. Mais actuellement il n'y a aucun moyen pour imposer un contrôle, à part une dénonciation à l'office de protection de l'enfance ou une curatelle », a déclaré Crystel Graf, conseillère d'État en charge de la formation.
Le Conseil d’État doit être en mesure de déterminer les conditions et la procédure à respecter pour scolariser un enfant à domicile ou le réintégrer dans l’école publique. Actuellement, 148 enfants sont scolarisés à domicile dans le canton.
« Dans la grande majorité des cas, cela se passe bien mais pour certains il y a un risque d'isolement social ou de retard scolaire », a ajouté Crystel Graf. Il y a un « droit à un enseignement de base suffisant », a expliqué la conseillère d'État. La loi prévoit notamment que l'autorisation soit octroyée pour une année scolaire et puisse être renouvelée.
Le texte a été approuvé par 80 oui, 5 non et 13 abstentions. Des députés de gauche se sont opposés ou abstenus. « Neuchâtel est passé du plus laxiste au plus restrictif (...) pour protéger d'éventuelles dérives », a déclaré Adriana Ioset.
Pas de pédagogie proposée
La députée popiste a interpellé le Conseil d'État sur le début de l'exigence d'une autorisation. « Les parents auront deux ans pour obtenir une autorisation » dès l'entrée en vigueur de la loi, a expliqué Crystel Graf.
La socialiste Yasmina Produit a déploré que le rapport gouvernemental ne propose pas de solutions pour enrichir la pédagogie des familles. « Il ne faut pas stigmatiser cette éducation. La loi devrait être inclusive, flexible et adaptée aux réalités familiales et pas un obstacle à l'instruction à domicile. »
Yasmina Produit : « Il est important de légiférer pour qu’un cadre soit connu et reconnu. Par contre, le cadre proposé n’est pas assez complet. Il est insuffisant. »
Le comité d'Instruire en liberté s'est inquiété auprès de députés au sujet de cette réforme. Selon eux, une très grande majorité de familles risque de devoir renoncer. Ce comité s'inquiétait notamment que les pleins pouvoirs soient laissés au Conseil d'État sur les conditions d'octroi de l'autorisation et les qualifications nécessaires exigées.
Finalement, les députés ont accepté d'adoucir le projet du gouvernement dans un amendement. Le projet pédagogique doit être cohérent et permettre d'atteindre les objectifs d'apprentissage fixés par le plan d'études romand, mais il n'y a plus d'exigences de qualifications nécessaires de la personne chargée de la formation. « Le suivi n’était pas forcément là. On ne pouvait pas faire des contrôles obligatoires et systématiques. Ce qui faisait que certains élèves qui revenaient à l’école obligatoire n’avaient pas le niveau suffisant, et ça c’est vraiment problématique pour le développement et futur de l’enfant dans la vie active », souligne la députée vert’libérale Mireille Tissot-Daguette.
Mireille Tissot-Daguette : « On avait besoin d’un garde-fou pour que le Canton puisse avoir une vision du niveau. »
Le temps consacré à l'enseignement doit être suffisant pour garantir la mise en place effective et complète du programme. Des mesures de socialisation suffisantes de l'enfant devront être prises pour garantir l'acquisition des compétences sociales.
Le nombre d’élèves scolarisés à domicile a fortement augmenté en une dizaine d'années dans le canton de Neuchâtel, passant de 24 en 2012-2013 à 164 en août de l’année scolaire 2023-2024. Avec 148 élèves, leur nombre est en baisse actuellement. Près de la moitié des élèves proviennent du cycle 1. /ATS-jpp