Pour vous charger de l’enseignement de vos enfants, à l’avenir, vous devrez peut-être demander le feu vert des autorités. C’est le cœur de la réforme de l’école à la maison sur laquelle le Grand Conseil doit se pencher mardi.
Retirer ses enfants de l’école et assurer soi-même leur scolarité. Les conditions qui le permettent dans le canton de Neuchâtel sont peut-être sur le point de changer. Le Grand Conseil débat de la question mardi. À travers un rapport sur ce thème, le Conseil d’Etat lui propose de modifier deux articles : la Loi sur l’organisation scolaire et la Loi concernant les autorités scolaires.
Cette réforme aboutirait à un changement de culture dans le domaine de l’école à la maison, en passant d’un système déclaratif à un système d’autorisation, selon la terminologie spécialisée, utilisée par l’exécutif dans son rapport. En clair, dans le système actuel (déclaratif), les parents qui souhaitent retirer leurs enfants de l’école obligatoire pour s’occuper eux-mêmes de leur enseignement peuvent se contenter de signaler leur souhait au Canton. Rien ne permet de les contraindre à renoncer à ce type de pratique, même en cas de dysfonctionnements.
Avec la modification de loi proposée par le Grand Conseil (système d’autorisation), ils auraient besoin du feu vert des autorités de leur cercle scolaire. Avec trois principales contraintes à observer : être qualifié pour enseigner, garantir la socialisation des enfants et respecter leurs droits fondamentaux. Et pour s’en assurer, une surveillance régulière serait mise en place par les autorités cantonales. Le « contrôle général » prévu dans le système actuel est jugé insuffisant pour garantir les droits des enfants concernés.
Davantage de cas
Et si l’Etat s’empare de ce dossier, c’est parce que le nombre de personnes concernées augmente. Il y a une douzaine d’années, on ne dénombrait que 24 élèves. Aujourd’hui, on en est à 164, avec une forte hausse pendant le Covid et une tendance à la stabilisation depuis lors. L’autre raison qui explique que le sujet s’invite au menu des débats du parlement cantonal, c’est que le régime neuchâtelois actuel est un des plus permissifs du pays. Le risque, selon le Conseil d’Etat, c’est de créer une sorte de tourisme scolaire où les familles se déracinent pour échapper à l’école obligatoire de leur canton. Il s’agit donc de se rapprocher des standards les plus courants en Suisse.
La commission Education du Grand Conseil préconise de voter l’entrée en matière du rapport, mais elle l’accompagne d’amendements qui précisent le rôle de surveillance de l’État. Autre différence, majeure, avec la version de l’exécutif, elle réclame des parents qu’ils proposent un simple « projet pédagogique cohérent », plutôt que leur demander de posséder les qualifications nécessaires pour enseigner.
L’association « Instruire en liberté Neuchâtel » regroupe des parents qui pratiquent l’enseignement à domicile. Lors de la consultation, comme l’indique le rapport, ses membres ont exprimé des craintes que soumettre désormais cette pratique à autorisation revienne finalement à l’interdire. Le Conseil d’Etat se défend d’entretenir de tels projets. Il rappelle que les raisons de retirer ses enfants de l’école obligatoire sont multiples : convictions philosophiques et religieuses, besoins éducatifs particuliers ou encore bien-être de l’écolier. Dans ces circonstances, il dit juger nécessaire que certains enfants ne soient pas « oubliés » du système scolaire, en gardant un œil institutionnel sur leur parcours, quoi qu’il arrive. /jhi