L’auteur d’une publication sur les réseaux sociaux doit-il est tenu responsable des commentaires qu’il génère ? Le Ministère public estime que oui : le procureur général a décidé de faire appel de l’acquittement d’Yvan Perrin
L’affaire Perrin ne restera peut-être pas au stade de l’acquittement : le procureur général a décidé de faire appel du jugement rendu le 15 juillet 2020 par le Tribunal de police du Littoral et du Val-de-Travers. L’été dernier, la Cour avait jugé Yvan Perrin non-coupable de discrimination raciale en maintenant sur son compte Facebook des commentaires litigieux de tiers.
Un jugement qui ne satisfait pas Pierre Aubert. Le 11 février dernier, le procureur général a décidé de porter l’affaire en Cour pénale. Il demande notamment de condamner le citoyen de La Côte-aux-Fées à une peine de 90 jours-amende avec sursis pendant deux ans.
En première instance, le juge avait acquitté l’ancien vice-président de l’UDC suisse en considérant que les termes « l’infection s’étend », utilisés pour légender un article partagé sur Facebook, ne visait pas les musulmans en général mais une mouvance extrémiste de cette religion. Par ailleurs, le juge avait estimé que l’ancien conseiller d’Etat n’était pas responsable des commentaires litigieux apposés sous la publication par ses « amis ».
Pierre Aubert ne perçoit pas les choses de la même manière. Le procureur général estime que la publication a été perçue par une grande partie des internautes comme une mise en cause de l’Islam en général. Par ailleurs, Pierre Aubert souligne que l’article 261 du code pénal vise bien celui qui propage une idéologie visant à rabaisser ou à dénigrer les membres d’une race, d’une ethnie ou encore d’une religion. A ses yeux, et en n’empêchant pas la publication de commentaires litigieux sous sa publication, Yvan Perrin est responsable de la tribune qu’il offre sur son compte Facebook.
Appréciation personnelle du procureur
Dans la déclaration d’appel – dont la rédaction de RTN a obtenu une copie – le procureur laisse transparaitre ce qui s’apparente à une opinion personnelle. D’une part, il juge le niveau intellectuel des internautes. D’autre part, en évoquant les « lecteurs moyens », Pierre Aubert précise « et ceux de Monsieur Perrin peuvent être qualifiés de très moyens. »
Pour Jean-Luc Addor, avocat d’Yvan Perrin dans cette affaire, le Ministère public mène un procès « politique » contre Yvan Perrin : « cet appel transpire le mépris. On n’est plus dans le domaine juridique, mais dans le procès politique et dans l’acharnement contre un homme, ancien élu du peuple. Le message que le procureur général essaie de faire passer, c’est la police de la pensée. Qualifier les milliers de lecteurs d’Yvan Perrin de sots, ce n’est pas digne d’un procureur général ».
Autre son de cloche pour Pierre Aubert. Les commentaires qui suivent la publication d’Yvan Perrin ne sont pas un débat d’idées : « Il n’y a pas d’idée. Il n’y a que des sottises : des grossièretés et des méchancetés. C’est de l’insulte et de la haine gratuite ». Par ailleurs, le Ministère public concède que si ce procès peut être qualifié de politique, c’est uniquement la pensée politique, qui s’attaque à l’Islam de manière générale, qui est qualifiée d’illicite par le procureur. Qui tient à préciser que ce procès n’est pas contre la personne d’Yvan Perrin ou un parti politique. /aju