Les vignobles neuchâtelois vont connaître de nombreux défis dans les années à venir. L’équipe de climatologie appliquée de l’Université de Neuchâtel a étudié l’impact du réchauffement climatique sur le vignoble neuchâtelois. Les résultats de l’étude seront présentés dans l’Arc Jurassien à travers une série de « dégustations scientifiques » publiques
Que va-t-il advenir du pinot noir neuchâtelois ? L’équipe de climatologie appliquée de l’Université de Neuchâtel a étudié l’impact du réchauffement climatique sur le vignoble de la région. Elle a révélé les résultats de son étude mardi, basée sur les scénarios climatiques modélisés par le GIEC, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Si le cépage roi de la région ne risque pas de disparaître de sitôt, il va rencontrer de nombreux défis à l’horizon 2050.
Le principal ? Le climat de la région va gagner 1 voire 1,5 degré de plus sur la période de végétation. « La maturation se fera dans des conditions plus chaudes et plus sèches. Le risque est de rencontrer encore davantage des assèchements des grappes de pinot noir avant les vendanges », explique Valentin Compte, docteur en climatologie appliquée à l’Université de Neuchâtel. Le climat sera beaucoup plus chaud en moyenne et « rencontrer plusieurs journées estivales où la température de l’air dépasse 35 degrés deviendra la norme », ajoute encore le chercheur. Face aux vagues de sécheresses plus fréquentes, l’étude montre qu’il sera déjà nécessaire pour les vignerons de la région de s’adapter pour l’horizon 2050 avec diverses mesures. Le but est de ménager la vigne face au stress hydrique.
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Au réchauffement du climat et aux sécheresses s’ajouteront d’autres défis. Pour ce qui est des insectes ravageurs, le climat sera idéal pour des insectes tels que la cicadelle de la vigne, déjà présente dans d’autres vignobles. Elle est vectrice de la flavescence dorée, maladie qui peut causer des dommages conséquents. Pour ce qui est du gel printanier, en revanche, le risque restera probablement inchangé pour le pinot noir et pourrait être amoindri pour d’autres cépages plus tardifs. Le pinot noir neuchâtelois ne devrait pas être menacé d’ici à l’horizon 2050.
Néanmoins, on peut s’attendre à voir d’autres cépages remplacer partiellement et progressivement le pinot noir dans le futur. Une décision délicate, puisque la cultivation d’une vigne se fait sur le long terme et que le choix d’un cépage dépend de nombreux facteurs. Cette éventualité ne séduit pas tous les vignerons.
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À l’horizon 2100, l’avenir du pinor noir neuchâtelois est moins sûr. Le maintien du cépage phare de la région, voire de toute production de vin, dépend de l’évolution du réchauffement climatique, précisent les chercheurs : si le scénario extrême annoncé par le GIEC (RCP8.5) devait l’emporter – plus de 5 degrés de réchauffement sur la température moyenne de la période de mars à septembre à Neuchâtel – alors c’est toute la culture de la vigne qui serait remise en cause dans la région. « Le climat deviendrait tellement rude qu’on ne pourrait probablement plus produire de vin de qualité à la fin du siècle si on ne réduit pas les émissions mondiales de gaz à effet de serre drastiquement au-delà de 2050 », ajoute encore Valentin Comte. La température moyenne de la région pendant la période végétative passerait en effet de 16 à plus de 21 C°.
Le détail complet de l’étude sera bientôt présenté au public par l’Université de Neuchâtel. Cinq sessions de « dégustations scientifiques » auront lieu prochainement dans l’Arc jurassien. Elles inaugurent un nouveau mode de vulgarisation scientifique interactif où les habitants et les membres de la profession viticole pourront poser leurs questions après avoir profité du regard croisé de divers spécialistes, tels que des climatologues, œnologues et vignerons.
La première dégustation scientifique est prévue le mardi 27 février à Neuchâtel. Les suivantes auront lieu à Grandson et à Delémont. D’autres suivront probablement dans le Jura-bernois et dans la région de Morges. /agy