Le site celtique de La Tène a suscité de nombreuses interprétations scientifiques. Dans l'exposition « Entre deux eaux, La Tène lieu de mémoire », Le Laténium, à Hauterive révèle les coulisses de plus d'un siècle et demi de recherches.
Découvert en 1857 de façon fortuite par un pêcheur, le site de La Tène a très rapidement fasciné et est devenu mondialement connu et emblématique de la préhistoire celtique. « Une très grande quantité d'objets en fer, liée au régime guerrier comme des épées, des parures ou des insignes militaires, y a été trouvée », a déclaré jeudi à Keystone-ATS Géraldine Delley, directrice adjointe du Laténium.
La découverte du site racontée par Géraldine Delley:
Le lieu est alors interprété comme un arsenal, un lieu de bataille. Dès 1870, des musées du monde entier veulent des éléments du site de La Tène qui permettent de caractériser la civilisation celtique. Un collectionneur biennois vend un millier d'objets et des moules à Napoléon III qui veut établir le récit de l'histoire de France dans son Musée des Antiquités gauloises et romaines à St-Germain-en-Laye.
Pour éviter les pillages de plus en plus nombreux avec la correction des eaux du lac, de grandes fouilles étatiques sont opérées par Paul Vouga de 1907 à 1917. « Ce seront les premières fouilles étatiques de Suisse », a expliqué Géraldine Delley. Elles seront documentées notamment par des photographies - visibles dans le cadre de l'expo - et des plans.
« Malgré ces fouilles importantes, un flou se maintient sur la nature du site », a ajouté la commissaire de l'exposition. Au début du 20e siècle, après des découvertes au Nord de l'Europe, on pense qu'il s'agit d'un dépôt d'armes. Dans les années 60-70-80, on l'interprète comme un lieu d'offrandes.
« Finalement, depuis la fin des années 90, on penche pour un lieu de mémoire, de commémoration d'une bataille dans la région », a ajouté Géraldine Delley. Cela expliquerait qu'il y ait des objets datant de 250 à 200 avant notre ère et d'autres - restes d'humains ou d'animaux, outils ou attributs masculins liés à la toilette - plus récents et sur plusieurs générations. Ces objets rappellent aussi ce que l'on pouvait retrouver à l'époque dans une tombe.
Visite de l'exposition avec Géraldine Delley
Dans le cadre de son exposition, qui sera inaugurée samedi et qui se tiendra jusqu'au 8 janvier 2023, Le Laténium va dévoiler pour la première fois la quasi-totalité des trouvailles abritées dans ses dépôts. Le musée détient environ 2000 objets du site de La Tène, alors que dans le monde, 5000 objets de cette période ont été identifiés.
Le site de La Tène ne fascine pas que les archéologues. Du fait de sa topographie, avec des hauts-fonds, des eaux peu profondes, des rives fluctuantes, où le lac s'écoule dans les méandres d'une rivière, le lieu a séduit de nombreux peintres, comme Auguste Bachelin, au 19e siècle. En 1625, on rêvait d'y construire la ville idéale qui se serait appelée Henripolis. De nos jours, il séduit les baigneurs et les amateurs de camping.
Quatre films d’animation créés par les illustratrices Julie Chapallaz et Coralli Grieu racontent ce que La Tène a produit comme émotions, attachement, interrogations et connaissances. L’atmosphère onirique de l’exposition « doit beaucoup à la création musicale de Marek Hunhap. Le musicien s’est inspiré de l’univers visuel, passé et présent, de La Tène pour composer une boucle sonore qui accompagne le visiteur dans ses déambulations », peut-on lire dans le dossier de presse.
Un élément central de cette exposition est une impressionnante table-vitrine longue de près de 20 mètres dans laquelle sont exposés les milliers d'objets de La Tène conservés au Laténium. Ceux-ci sont mis en scène de façon à restituer l’atmosphère des dépôts du musée et de façon à partager avec le public l’important travail de restauration et de conditionnement mené depuis des décennies sur ce patrimoine archéologique. /ats-ara