Les équipes humanitaires à Gaza sont en mauvaise santé et traumatisées, mais elles continuent à travailler. La directrice de l'ONG Médecins du Monde Suisse, basée à Neuchâtel, raconte la réalité de ses collègues dans la bande de Gaza.
« On se demande parfois comment nos équipes sur place arrivent encore à faire leur travail. » C’est ce que confie la directrice de Médecins du Monde Suisse, Morgane Rousseau, à l’occasion des commémorations du 7 octobre. Il y a deux ans, le Hamas attaquait Israël tuant plus de 1’200 personnes, en majorité des civils. L’État hébreu ripostait le lendemain et, deux ans plus tard, la guerre à Gaza est toujours en cours. Aujourd’hui, les Nations Unies estiment à plus de 67'000 le nombre de Palestiniens tués dans ce conflit, qualifié de génocide par une commission d’enquête indépendante de l’ONU.
Sur place, l’organisation Médecins du Monde Suisse, basée à Neuchâtel, propose des accompagnements de santé psychosociale et distribue des kits d’hygiène et de nourriture dans les camps de déplacés. Actives dans la région avant le début de la guerre, les équipes sur place ont dû apprendre à s’adapter en permanence. Dans la bande de Gaza, une douzaine de Gazaouis travaillent pour l’ONG. Ces derniers sont victimes de traumatismes, de sous-alimentation et de problèmes de santé en tous genres. « Certains collègues me disaient que chaque petit choix est un mauvais choix », raconte Morgane Rousseau. « Par exemple, ils doivent choisir entre aller chercher de l’eau potable et se confronter aux risques de bombardements ou alors boire de l’eau insalubre. »
Morgane Rousseau : « Un collègue a réussi à faire sortir sa fille pour la sauver, mais ne la voit pas grandir. »
« Nos équipes ont ce besoin vital de continuer à travailler et font preuve d’une résilience folle. »
Loin des bombes, les équipes en Suisse doivent gérer un certain sentiment d’impuissance et une confrontation quotidienne aux récits, parfois glaçants, venus de Gaza. « C’est horrible. Les premières semaines et mois, on était en alerte en permanence. On échangeait des messages chaque jour pour savoir si les équipes étaient encore en vie », se souvient la directrice de l’ONG.
Face à ce sentiment d’impuissance, Morgane Rousseau explique que l’une de leurs réactions a été de dénoncer et de relayer les récits qui leur parviennent du terrain. Mais, deux ans après, la voix fatigue, avoue la directrice : « on répète les mêmes choses et rien ne change ».
Une fatigue d’autant plus forte dans un contexte économique très tendu pour l’organisation. Comme d’autres institutions, Médecins du Monde a vu certains de ces projets financés par les États-Unis mis à l’arrêt. Ces coupes ont eu un effet ricochet sur l’ensemble de l’association qui s’en trouve affaiblie.
Le témoignage de Morgane Rousseau :
Finalement, même si la guerre s’arrêtait aujourd’hui, le travail des humanitaires dans la bande de Gaza n’est pas près de finir. À la question de savoir s’il est possible d’estimer le temps qu’il faudra pour traiter les victimes sur place, Morgane Rousseau répond : « des années, des siècles … » Selon elle, le personnel de santé est traumatisé et près d’un million d’enfants et d’adolescents sont en besoin urgent de soins de santé mentale. « En plus de la reconstruction des infrastructures, il y a la reconstruction des corps et des âmes. Et ce sera un fardeau pour de nombreuses années », conclut-elle. /cde








