Le cortège de la Grève féministe à Neuchâtel était descendu par l'Avenue de la Gare au lieu de la ruelle Vaucher le 14 juin 2023. Les organisatrices avaient défié la décision de la Ville. (Photo : archives).
Le 14 juin 2023, la commune de Neuchâtel a interdit à la manifestation de la Grève féministe d’emprunter l’avenue de la Gare, invoquant la primauté des bus. Après un aller-retour au Tribunal fédéral (TF), le Tribunal cantonal a confirmé le 9 janvier cette interdiction. Un recours à la Haute Cour a été déposé.
« Le droit de manifester est un droit fondamental qui ne peut être restreint qu'à des conditions très strictes. Devoir déplacer des bus pendant une heure et demie n'est pas un but légitime par rapport au droit de manifester de 6000 femmes », a déclaré lundi devant les médias Olivier Peter, avocat de la Grève féministe.
« Le jugement du Tribunal cantonal n'est pas conforme à la Cour européenne des droits de l'homme », a expliqué l'avocat. Olivier Peter a précisé que la Ville de Neuchâtel a refusé le parcours sur l'avenue de la Gare, sans base légale pour le faire.
La décision est en plus « discriminatoire » car la course à pied BCN Tour a eu le droit d'emprunter l'avenue de la Gare et pas les femmes, a ajouté Olivier Peter. « On a bon espoir que le TF statue en notre faveur car on a déjà gagné un recours sur la forme ». Solenn Ochsner, syndicaliste à Unia Neuchâtel et membre du collectif pour la Grève féministe, va dans le même sens, puisque le Tribunal fédéral a déjà statué en leur faveur lors du 1er recours.
Solenn Ochsner : « Nous allons maintenant au Tribunal fédéral pour revendiquer que nos droits politiques soient respectés. »
Menaces
Pour Luna Sparti, coprésidente du Syndicat des Services Publics – région Neuchâtel, « il s'agit là d'une décision dangereuse qui attaque le droit de manifester, les droits des femmes et des minorités: l'intérêt de descendre dans la rue, c'est d'être visible et audible. Reléguer des manifestations dans les rues peu fréquentées, en arguant que les transports publics ont la priorité, c'est mettre les revendications des manifestants à l'écart de la vie publique ».
Malgré une demande de reconsidération et un recours au Tribunal cantonal, la commune a maintenu pour l'heure sa décision administrative. Le collectif aimerait toutefois que la Ville revienne là-dessus, ce qui rendrait le recours au TF sans objet. Cela permettrait aussi au procureur général de retirer sa plainte pénale - actuellement suspendue - contre Solenn Ochsner, organisatrice de la manifestation.
Solenn Ochsner a rappelé que le tracé prévu par la Ville, dans la ruelle Vaucher, était trop dangereux avec les milliers de personnes présentes et les familles avec poussettes. Finalement, la police a organisé la descente par l'avenue de la Gare « car un accident avait eu lieu sur l'autre parcours prévu, ce qui représentait un vrai danger d'y envoyer des manifestants », a expliqué Marianne Ebel de la Grève féministe.
« On nous a menacés d'une forte amende ou de devoir payer des indemnités de dizaines de milliers de francs à TransN (transporteur neuchâtelois) si on passait par l'avenue de la Gare », a ajouté Marianne Ebel.
« Ces effets dissuasifs sont contraires au droit international », a renchéri Anita Goh coordinatrice de la campagne « Protect the Protest » pour Amnesty International. Selon l'organisation, les manifestations pacifiques ne devraient pas être soumises à autorisation préalable, mais devraient uniquement être annoncées.
« Il y a des restrictions excessives partout en Suisse », a ajouté Anita Goh. A Fribourg, les manifestants reçoivent des factures pour des frais de police et dans le canton de Vaud des frais pour des panneaux de circulation.
Contactée, la Ville de Neuchâtel ne souhaite pas commenter cette affaire pour l’instant.
/ATS