L’État constate une trop grande disparité entre les communes à l’heure de bénéficier des recettes de l’impôt des personnes morales. Il propose une nouvelle redistribution avec effet rétroactif. Boudry et Neuchâtel seront les principales perdantes
Le Conseil d’État neuchâtelois veut redistribuer les cartes. Il observe aujourd’hui un déséquilibre croissant entre les communes en lien avec les recettes de l’impôt sur les entreprises. Cette différence ne serait pas sans risque, notamment pour la cohésion cantonale. Pour Laurent Kurth, conseiller d’État chargé des finances, il s’agit aussi d’éviter de créer une situation « néfaste à l’idée d’un développement territorial équilibré ». Ainsi, le gouvernement propose une mesure temporaire pour plafonner la progression possible des recettes fiscales des personnes morales dans les communes où elles sont déjà les plus élevées. Ce projet de loi « urgent », s’il est approuvé par le parlement, entrera en vigueur avec effet rétroactif au 1er janvier et concernera les exercices 2023 et 2024.
Laurent Kurth : « Cela méritait que l’on intervienne très rapidement »
Une mesure avec conditions
Le Canton propose de limiter la progression « inattendue » de la recette de l’impôt des entreprises à 12% pour 2023 et 15% pour 2024. L’année de référence pour ces deux exercices est 2022.
Cette mesure ne s'appliquera qu'aux communes dont le revenu de l'impôt sur les personnes morales dépasse les 800 francs par habitant. Aujourd’hui, la moyenne se situe à 391 francs par habitant dans le canton de Neuchâtel. En outre, cette mesure permettra de maintenir des recettes fiscales au moins égales à celles budgétisées pour l'exercice 2023.
Le montant retenu pour 2023 est estimé à 4,6 millions de francs. Un quart de cette somme sera redistribué directement à l’ensemble des communes en fonction du nombre d’emplois enregistré. Le reste servira à financer les mesures transitoires dont bénéficieront les communes qui verront leur situation se détériorer d'ici 2025. Il permettra également d’atténuer une éventuelle diminution des revenus de la péréquation intercantonale due à l'augmentation globale des revenus neuchâtelois.
Lex Boudry ?
Aujourd’hui, seules deux communes devraient renoncer à une partie de leurs recettes fiscales : Neuchâtel et Boudry. Cette dernière notamment se sent particulièrement lésée par une loi qu’elle qualifie de « Lex Boudry ».
Rita Piscopiello, conseillère communale chargée des finances, regrette une mesure « pas démocratique, parce qu’il y a une certaine forme d’ingérence dans l’autonomie des communes inadéquate et inappropriée ». La socialiste se dit toutefois favorable à une réforme de la péréquation, « parce que cette disparité peut créer des tensions entre les communes ». Elle déplore en revanche le caractère urgent de ce projet de loi et son entrée en force de manière rétroactive.
Rita Piscopiello s’interroge également sur la pertinence de la redistribution basée sur le nombre d’emplois enregistré par commune. « Boudry, qui a environ 4'000 postes de travail, retouchera une partie de cet argent perçu (…) mais doit-il revenir à Boudry, Neuchâtel ou à La Chaux-de-Fonds ? Non, si on en croit le Conseil d’État. En travaillant en amont, on aurait pu proposer quelque chose de différent. »
Le parlement devrait s’exprimer sur ce projet de loi fin mai. Il s’agira d’un vote à la majorité qualifiée des deux tiers des votants, imposée par la clause d’urgence. /dsa