De plus en plus d'individus s’engagent pour dédiaboliser les menstruations. Gratuité des serviettes et tampons dans les lieux publics, possibilité de choisir librement ses protections, les règles deviennent un sujet de plus en plus politique
Le phénomène touche la moitié de la population. Les femmes ont leurs règles plus ou moins tous les mois pendant près de 40 ans, c'est un phénomène physiologique absolument banal. Pourtant, c’est aussi un sujet qui peut encore paraitre tabou...
La discussion autour des règles est lancée
La vieille ville de Delémont abrite depuis peu Afriska, une boutique dédiée aux protections menstruelles réutilisables. Sa gérante Franziska Barthe Neuhaus admet qu’une telle entreprise aurait été inconcevable il y a encore quelques années : « Il y a 15 ans, c’est moi qui allait vers les gens pour leur demander s’ils connaissaient la cup. J’en parlais à tout le monde, des hommes, des femmes, des jeunes, des plus âgés. Et les réactions étaient diverses. Aujourd’hui, quand je parle de coupe menstruelle, en général, tout le monde est émerveillé ». Franziska Barthe Neuhaus a vu une grande affluence lors de l’ouverture de sa boutique samedi. Elle pense que la grève des femmes de 2019 y est pour beaucoup : « On s’est dit qu’on n’est pas seules, dans tous les domaines, celui des protections menstruelles notamment. La discussion a été lancée. »
Les élu-e-s s'y mettent aussi
Depuis le 14 juin 2019 d’ailleurs, plusieurs élus se sont mobilisés au sujet des règles. Mauranne Riesen demandait en mars dernier au Grand conseil bernois de mettre des serviettes et tampons à disposition dans les écoles. Proposition rejetée. Mais peu de temps après, Tavannes a pris le contre-pied de cette décision : incitées par la travailleuse sociale en milieu scolaire Roubina Kouyoumdjian, les écoles de la commune du Jura bernois ont installé des distributeurs de protections menstruelles dans leurs locaux. A Moutier aussi, la proposition de Marina Zuber a été acceptée en décembre dernier : des protections seront à disposition des élèves dans les écoles. Dans le Jura, le député Raoul Jaeggi demande la même chose, ce sera débattu ce printemps au Parlement. Et en septembre dernier, le Conseil de Ville de Delémont a accepté la motion de Gaëlle Frossard, qui voulait des protections hygiéniques gratuites dans les lieux publics du chef-lieu. Un moyen de faire face à la précarité menstruelle, l’un des principaux arguments de Gaëlle Frossard.
Aller plus loin
Les protections hygiéniques représentent un certain coût pour les femmes, il s’agit d’aider celles qui en ont besoin. Franziska Neuhaus salue ces motions, mais pour elle, le problème ne sera pas si facilement résolu : « Je pense qu’une subvention, dans les situations les plus précaires, serait une bonne idée. Pour que les femmes aient vraiment le choix de leur protection : bio ou non, réutilisable ou jetable, etc. Les protections gratuites ne sont pas la réponse entière, il faut aller plus loin ! »
« Il n'y a pourtant rien de plus normal que les règles... »
Pour Gaëlle Frossard, le fait de parler des règles dans l’espace public permet de briser un tabou : « On ne voit jamais les femmes sortir une protection de leur sac, quand elles doivent en changer… pourtant c’est naturel. Ma motion entend dédiaboliser les règles, parce qu’il n’y a rien de plus normal. » L’élue PS jurassienne et Franziska Barthe Neuhaus savent qu’il reste encore du travail. Or, la petite révolution des règles n’a jamais été aussi bien amorcée. /cto
Les règles sont compatibles avec le mouvement zéro-déchets
Cups, culottes menstruelles, serviettes réutilisables : depuis quelques années, des protections hygiéniques plus écologiques fleurissent un peu partout. Qu’il s’agisse d’un effet de mode ou d’une véritable conscience verte, de plus en plus de femmes se laissent séduire par ces produits. Franziska Barthe Neuhaus remarque un véritable engouement.