Jérémy Desplanches prend son mal en patience. Le médaillé de bronze des JO de Tokyo est loin de sa meilleure forme, mais il ne s'en inquiète pas outre-mesure.
'Je devrai mettre la machine en marche au bon moment' dans l'optique de Paris 2024, explique-t-il en marge des championnats de Suisse en grand bassin à Genève.
Le Genevois, 28 ans, fait face à une décompression qui s'est manifestée progressivement après son exploit olympique sur 200 m 4 nages. 'La grosse difficulté, c'est que la motivation n'est forcément plus la même que par le passé. Mine de rien, j'ai accompli mon rêve', rappelle-t-il dans une interview accordée à Keystone-ATS.
'Le revers de cette médaille, c'est la décompression qu'elle a engendrée et que je n'ai pas vu venir, et le fait de devoir trouver une nouvelle motivation', explique le champion d'Europe 2018, qui s'est résolu à faire appel à une psychologue pour l'aider à gérer ces maux d'un genre nouveau.
'Je suis quelqu'un de plutôt solitaire, que ce soit en compétition ou dans la vie de tous les jours. Les difficultés rencontrées en 2022 m'ont poussé à chercher de l'aide et du réconfort un peu partout. J'ai commencé à voir une psychologue il n'y a pas si longtemps', précise-t-il.
'Rien à perdre'
'C'est clair qu'il n'y a pas de miracle après quelques séances. Mais cela ne peut pas me faire de mal', poursuit Jérémy Desplanches, dont la saison 2022 a été perturbée par une infection au Covid-19 et marquée par une frustrante 4e place aux Européens de Rome et une décevante élimination en demi-finales des Mondiaux de Budapest.
'Je n'ai pas ressenti le besoin de parler. Mais voyant que j'étais confronté à des difficultés que je ne parvenais pas à gérer tout seul, je me suis dit que je n'avais rien à perdre en consultant un psy', explique celui qui s'était également paré d'argent lors des Mondiaux 2019 à Gwangju.
'La décompression fut bien plus difficile que je l'imaginais', avoue-t-il. 'Après les Jeux de 2016, la période de décompression a duré deux semaines. Après Tokyo, où j'ai réussi l'objectif de ma vie, j'ai dû me remotiver, trouver un nouveau but. Mais quand tu as déjà décroché ta lune, c'est dur de viser plus haut', soupire-t-il.
'Tellement envie de m'entraîner'
'Le Jérémy Desplanches qui disait penser déjà aux JO de Paris 2024 à peine sorti de l'eau à Tokyo, il est toujours bien présent', assure-t-il. 'Je le vois tous les jours dans le miroir. J'ai tellement envie de m'entraîner, de tout faire pour continuer à progresser', clame le grand blond.
'Mais ça devient plus dur quand je me retrouve au bord du bassin à me dire que je vais encore devoir me faire mal à en vomir des centaines et des centaines de fois à l'entraînement jusqu'aux JO de Paris', explique-t-il.
'La motivation ne m'a jamais quitté', tient-il à préciser. 'Je suis toujours motivé à l'idée de m'entraîner, à disputer des compétitions, j'ai toujours voulu tout donner jusqu'aux JO de Paris. Mais c'est difficile de garder toujours la même qualité à l'entraînement', explique-t-il.
Trouver le juste milieu
'Je vis un conflit intérieur depuis quelque temps. La motivation est là, mais elle n'est plus pareille. Je m'étais toujours dit que serais motivé comme un fou jusqu'à ma dernière course, vraisemblablement aux JO de Paris, mais ce n'est plus aussi simple', confesse ce bourreau de travail.
Il s'agit désormais de trouver le juste milieu. 'Je sais ce que m'a coûté le dernier cycle olympique, qui a certes duré cinq ans (réd: en raison du report d'un an des JO de Tokyo). Là, c'est un cycle de trois ans, et je ne veux pas me détruire. Je dois prendre mon temps. Je dois pouvoir prendre du plaisir', clame-t-il.
Les Mondiaux de Fukuoka en juillet ne seront ainsi qu'une étape sur la route menant à Paris. 'Une fois que je me serai mis en mode compétition dans la course au chrono pour les JO de Paris, je sais que je n'aurai que quelques mois avant que tout explose. Je ne tiendrai pas le coup longtemps mentalement', lâche-t-il.
'Pas de retour en arrière'
'Ma médaille olympique m'a coûté tellement cher physiquement et émotionnellement. Je me suis infligé quelque chose d'inhumain pour atteindre cet objectif. Ca en valait la peine, il n'y a pas photo', sourit-il. 'Mais je sais que je dois me ménager. Je sais que je ne dois pas me précipiter', poursuit-il.
'Je n'ai pas peur de vivre une année 2023 difficile. Mon meilleur niveau est là, quelque part, et je dois mettre la machine en marche au bon moment pour le retrouver', explique-t-il. 'Mais il n'y aura pas de retour en arrière quand je l'aurai actionnée. Le risque est d'exploser en vol si je la déclenche trop tôt', souligne-t-il.
'Je dois donc gérer au mieux mes efforts. Pour actionner la machine, c'est sept heures d'entraînement tous les jours, sans relâche, jusqu'aux JO. Sept heures durant lesquelles je dois être concentré à chaque seconde. C'est une surcharge incroyable, que je devrai m'infliger au bon moment', conclut-il.
/ATS