Le procès tant attendu de trois hommes prévenus d’escroquerie s’est enfin ouvert mardi matin devant le Tribunal criminel de Boudry. « Enfin », car une quarantaine de plaignants attendent depuis près de douze ans que justice leur soit rendue. Et l’ouverture du procès a été renvoyée à trois reprises en raison de l’absence d’un des prévenus.
Trois hommes sont soupçonnés essentiellement d’escroquerie, gestion déloyale et abus de confiance. Entre 1999 et 2006, ils auraient revendu des commerces de la région en s’enrichissant illégalement au passage. Le préjudice s’élèverait à près de 2 millions de francs.
Prévenu introuvable
Mardi matin, un premier prévenu a répondu aux questions de la Cour. Habillé d’un costume sombre, gourmette dorée au poignet, l’homme présentait bien. Son principal complice s’est évadé dans la nature : on est sans nouvelles de lui depuis le mois de février. Dernière tentative de la justice pour l’obliger à comparaître, un mandat d’amener, qui a été lancé contre lui lundi. En vain. De nationalité étrangère, il n’est pas exclu que cet homme soit actuellement hors de nos frontières. Le troisième prévenu sera entendu dans les trois semaines à suivre.
Les absents en prennent pour leur grade
Assis face à ses juges, les bras croisés, le prévenu n’a pas manqué de se décharger sur les absents, comme le craignait la Cour : un ancien complice aujourd’hui décédé, et son acolyte qui a disparu.
Théâtral, parfois donneur de leçons, à aucun moment ce quinquagénaire n’a exprimé de regrets ou admis s’être trompé.
A la juge, qui est revenue sur son mode opératoire lors de transactions financières, il a expliqué n’avoir rien fait de faux. Prouvant sa bonne foi, il s’est parfois fendu d’un petit cours d'économie, agrémenté de « Madame la juge ».
Le prévenu a assuré que ses commissions s’élevaient à 10% du montant du prix de vente. De temps à autre, selon le bon vouloir de ses clients, il pouvait toucher un montant supplémentaire.
Le prévenu joue la victime
Se balançant sur sa chaise, puis tenant tête à la Cour, l’homme a parfois surpris en allant jusqu’à dicter ses propos au moment de la retranscription du procès-verbal, se montrant très tatillon avec les mots. Les rôles pouvaient sembler inversés.
Au fond de la salle d’audience, quelques lésés sont venus écouter la défense du prévenu.
Difficile, pour certains, de rester assis sans laisser parler la colère. « Il raconte des mensonges ! », a fini par lâcher un monsieur d’un certain âge. « Silence ! Nous ne sommes pas dans un café ! » a fini par rétorquer la juge.
Le silence est revenu dans la salle, mais pas dans les esprits. Au moment de quitter le Tribunal, certains avocats s’amusaient ironiquement de la mascarade. Des plaignants essuyaient leurs larmes. Tandis que la Cour consultait le planning tentaculaire des auditions. /abo