Après bientôt six mois de fonctionnement, le Centre d’urgences psychiatriques à Neuchâtel est pour ainsi dire victime de son succès. La demande est importante, le CUP remplit donc ses missions. Un hic tout de même: les appels ne sont pas assez triés.
Première cause : les toxiques
Depuis la mi-juin, le CUP, rattaché au Centre neuchâtelois de psychiatrie mais dont les locaux se trouvent à L’Hôpital neuchâtelois, sur le site de Pourtalès, comptabilise près de 1'000 consultations. Si l’on en croit les statistiques, basées sur les trois premiers mois de fonctionnement, un tiers des patients viennent consulter spontanément. Ils ont pour la majorité, entre 25 et 45 ans. Les principales raisons sont l’alcool et la drogue, puis les idées suicidaires. Une bonne partie des patients sont ensuite hospitalisées en psychiatrie après leur passage au CUP.
Du côté des médecins, tant privés qu’en institution, tout le monde a accordé son violon : le Centre d’urgences psychiatriques est une nécessité et sa venue est unanimement saluée.
Psychiatres fâchés
Mais la partition qui devait se jouer sur un mode majeur est accompagnée de plusieurs bémols.
Selon nos informations, le Groupement des psychiatres neuchâtelois (GPN), qui assure un service de piquet la nuit, les week-ends et les jours fériés, n’y trouve pas son compte. La raison ? Adrienne Baussière, la présidente du GPN, explique que les psychiatres devaient initialement répondre uniquement aux demandes des médecins de ville. Elle ajoute qu’il n’a jamais été question de diffuser le numéro de téléphone du CUP à la population.
Or, les appels émanent des médecins de garde, mais aussi des médecins de l’HNe, des infirmières, ou des services de secours. Parfois même des patients directement. Pour Adrienne Baussière, cela dépasse clairement le cadre qui a été fixé au départ. Exemple : évaluer quelqu’un qui a passé par les urgences. Cela devrait être au personnel du Centre neuchâtelois de psychiatrie de le faire, mais il n’a pas les ressources pour assurer ces prestations de nuit, renchérit la présidente du GPN.
Stop !
Plusieurs membres du GPN ont accepté de témoigner sous couvert de l’anonymat. Pour eux, le tri des appels est mauvais. Pire : la brochure explicative du CUP est beaucoup trop attrayante. Elle propose tout et n’importe quoi. Cela fait appel d’air et on favorise artificiellement une demande, explique ce médecin installé en cabinet.
Certains insistent aussi sur la mauvaise organisation du CUP, lacunaire même. Pour finir, on ne sait plus ce qu’est une véritable urgence, et on nous appelle pour tout et n’importe quoi.
Aujourd’hui, les psychiatres du privé disent stop : ils veulent que les conditions fixées lors de la signature de la convention avec le Centre neuchâtelois de psychiatrie soient respectées, à savoir ne répondre qu’aux médecins de ville. Et ils ne veulent plus continuer à répondre à une si grande demande. En moyenne 1,5 appel par nuit, si l’on en croit les statistiques. Ça peut sembler peu, mais en nous levant une à deux fois par nuit, la nuit est fichue. Et nous sommes censés enchaîner avec nos consultations privées. Tenir ce rythme une semaine durant, ce n’est pas possible, se désole un autre médecin.
D’autres frottements
La surcharge de travail n’est pas le seul point de friction. Le Groupement des psychiatres neuchâtelois reproche aussi un retard dans les paiements (les membres du GPN ont commencé à être payés il y a quelques jours, pour des piquets remplis en juin). Certains se plaignent aussi des tarifs : le point Tarmed hospitalier est en vigueur et les médecins touchent les 70% de la facture. Et ce psychiatre de s’énerver : Le CNP se sucre sur notre dos, il retient 30% pour des frais administratifs…c’est excessif ! Nous, on ne coûte pas un centime à l’Etat et on a même un manque à gagner !
Le CNP se défend
Du côté du Centre neuchâtelois de psychiatrie, on se défend. Farouchement même. Le directeur médical tient d’abord à remercier les psychiatres du privé pour leur contribution au CUP. Mais il se dit surpris de certaines revendications. Selon Pedro Planas, il n’a jamais été question que le GPN soit le répondant des médecins de ville uniquement. Ce qui avait été décidé, c’est qu’ils interviendraient en deuxième ligne, après n’importe quelle demande médicale, pas seulement après une demande des médecins de ville !, précise-t-il.
En revanche, il admet que le cadre actuel n’est pas tout à fait respecté : les patients évalués par les psychiatres du GPN ne sont pas toujours envoyés par des médecins. Le tri est parfois mal fait. Une mise au point est en train de se faire à l’interne pour que cela ne se reproduise plus.
Concernant l’aspect financier, le directeur médical rappelle que les membres du GPN ont pu choisir quel pourcentage devait être retenu pour les frais administratif, sachant que plus ce pourcentage était faible, plus ils prenaient de risques à leur propre charge.
Tournus menacé?
Reste qu’à l’heure actuelle, plusieurs psychiatre privés que nous avons contactés ne sont pas d’accord de continuer d’assurer leur service de piquet dans ces conditions de travail. S’ils sont obligés de faire des gardes, ils rappellent qu’ils ne sont pas obligés de les faire avec le CNP. Ils pourraient donc se retirer du tournus.
Si cela devait arriver, ou si le GPN maintenait son exigence d’être le répondant des médecins de ville uniquement, le CNP serait forcé d’aller toquer à la porte de la Santé publique. Il demanderait alors soit des fonds pour engager du personnel, soit de trancher et d’obliger les médecins du privé à faire leur tour de piquet.
Mais comme personne ne semble vouloir en arriver là, des négociations sont prévues en janvier. Il faudra alors revoir plusieurs points contenus dans la convention qui lie les deux parties. Convention qui devrait être reconduite en juin prochain.
Affaire à suivre. /abo