Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a ouvert une nouvelle page délicate de son règne de onze ans à la tête de la Turquie après sa victoire au premier tour de l'élection présidentielle. Les observateurs électoraux de l'OSCE ont dénoncé une campagne biaisée en sa faveur.
Sitôt élu, l'homme fort du pays s'est engagé dimanche soir, devant des dizaines de milliers de partisans en liesse massés devant le siège de son Parti de la justice et du développement (AKP), à bâtir une "nouvelle Turquie". Il a promis un pays débarrassé des "disputes du passé" et des vifs affrontements politiques qui le déchire.
Mais sa volonté répétée de renforcer ses pouvoirs de chef de l'Etat, élu pour la première fois au suffrage universel direct, alimente déjà les tensions. Ils étaient jusque-là largement honorifiques. Le chef du gouvernement souhaite conserver les rênes du pays pendant les cinq ans de son mandat de chef de l'Etat turc.
Même si son score est resté loin du raz-de-marée souhaité par son camp et suggéré par certains sondages, le Premier ministre, 60 ans, s'est imposé nettement, sans surprise.
En totalisant 51,8 % des suffrages, selon les résultats définitifs, il a devancé le candidat commun de l'opposition social-démocrate et nationaliste Ekmeleddin Ihsanoglu (38,4 %) et celui issu de la minorité kurde Selahattin Demirtas (9,8 %). Il a été félicité par la chancelière allemande Angela Merkel.
Malgré les critiques et les scandales, l'électorat religieux et conservateur qui le soutient depuis 2002 ne lui a pas fait défaut. Contrairement à celui de l'opposition, manifestement peu convaincu par son candidat d'union et démobilisé par le caractère inéluctable du succès du "sultan" Erdogan.
Au total, le taux de participation n'a atteint dimanche "que" 73,68%, anormalement bas comparé à celui des élections locales de mars (89 %).
"L'utilisation par le Premier ministre de sa position officielle et la couverture partisane des médias lui ont conféré un net avantage", a estimé l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) dans son premier rapport sur le scrutin.
La victoire désormais en poche, M. Erdogan doit être investi chef de l'Etat le 28 août, date de la fin du mandat de son prédécesseur Abdullah Gül. D'ici là, pas question de démissionner de ses fonctions de l'AKP, comme la Constitution l'exige, et de chef du gouvernement, avait-il prévenu vendredi.
Les instances dirigeantes de l'AKP ont commencé à se pencher sur la succession de M. Erdogan à la tête du parti et du gouvernement.