L'armée a pris le pouvoir jeudi soir au Burkina Faso, annonçant la dissolution du gouvernement et de l'Assemblée nationale après une journée d'émeutes contre le régime de Blaise Compaoré. Un organe de transition sera mis en place pour un an "en consultation avec tous les partis".
Un couvre-feu est imposé sur l'ensemble du territoire. A la mi-journée, le régime avait tenté de calmer les esprits en annonçant l'annulation du vote du projet de révision constitutionnelle qui avait mis le feu aux poudres. Le président Blaise Compaoré avait aussi décrété l'état d'urgence.
Le général en retraite Kouamé Lougué, à qui des dizaines de milliers de manifestants demandaient de prendre le pouvoir, rencontrait dans l'après-midi l'état-major des armées. Il a lui-même été chef d'état-major des armées et ministre de la Défense jusqu'en 2003, avant d'être limogé.
Dans un communiqué, l'Union africaine a exprimé "sa profonde préoccupation face à la situation" et appelé au calme. Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a annoncé l'envoi d'un émissaire pour tenter de mettre fin aux violences.
La Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) a pour sa part fait savoir qu'elle ne reconnaîtrait aucune prise du pouvoir par la force dans le pays.
Partenaires du Burkina Faso - qui joue un rôle-clef dans une zone sahélienne instable - Paris et Washington sont montés au créneau. La France, ex-puissance coloniale, a plaidé pour un "retour au calme", et les Etats-Unis ont exprimé leur "vive inquiétude".
Pour le régime en place depuis le putsch de 1987, c'est la crise la plus grave depuis la vague de mutineries qui avait fait trembler le pouvoir en 2011. Des manifestations d'une telle ampleur contre les autorités sont rarissimes en Afrique subsaharienne.
La capitale Ouagadougou a sombré dans le chaos jeudi. Les forces de sécurité ont tiré à balles réelles, tuant trois manifestants qui tentaient d'attaquer le domicile du frère du président, rapportent les services d'urgence.
Les forces de l'ordre ont brièvement tenté d'arrêter les manifestants en tirant des gaz lacrymogènes, puis ils ont battu en retraite. Plus d'un millier de jeunes ont réussi à pénétrer dans le bâtiment et à le saccager, aux cris de "Libérez Kosyam" (le palais présidentiel).
Une partie de l'Assemblée nationale a été ravagée par les flammes. D'épaisses fumées noires s'échappaient des fenêtres brisées.
Autre symbole du pouvoir attaqué: la Radiodiffusion télévision du Burkina (RTB). Plusieurs centaines d'individus sont entrés dans les locaux où ils ont pillé le matériel avant de quitter les lieux. Les transmissions ont été coupées.
Le Burkina a basculé dans la crise avec l'annonce, le 21 octobre, d'un projet de révision constitutionnelle portant de deux à trois le nombre maximal de quinquennats présidentiels.
Arrivé aux affaires il y a 27 ans, le président Blaise Compaoré doit achever l'an prochain son dernier mandat, après deux septennats (1992-2005) et deux quinquennats (2005-2015).