Un mausolée dans son village natal, la marche de commémoration de ce dimanche à Cernier : Bekir Omerovic se sent un devoir de mémoire. L’actuel voyer-chef de La Chaux-de-Fonds a fui la Bosnie-Herzégovine avec sa mère et son frère en 1993, juste avant le massacre de Srebrenica, il y a 30 ans.
Mémoire, vigilance et engagement. Ce sont les trois mots d’ordre pour la journée de commémoration du génocide en Bosnie-Herzégovine dans le canton de Neuchâtel, le 15 juin.
Il y a 30 ans, en juillet 1995, plus de 8000 Bosniaques ont été tués à Srebrenica par l’armée de la république serbe de Bosnie. Un crime considéré comme un génocide par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. En mai de l’année dernière, l’Assemblée générale des Nations unies a institué une journée internationale de commémoration, le 11 juillet.
Dans le canton, c’est le 15 juin à Cernier qu’on se souviendra du massacre de Srebrenica, à l’occasion d’une manifestation ouverte à tous. Plusieurs personnalités dont les présidents du Conseil général de Val-de-Ruz Romain Douard et du Grand Conseil Émile Blant, le chef du service cantonal de la cohésion multiculturelle Gregory Jaquet et le conseiller national Damien Cottier prendront la parole à La Fontenelle dès 9h30. S’en suivra une marche pour la paix qui prendra son départ une heure plus tard.
Les organisateurs évoquent « un événement d’une importance particulière dans le contexte géopolitique actuelle ». Ils insistent sur « l’impérieuse nécessité d’une vigilance constante contre les discours et actes haineux afin d’éviter la répétition de telles tragédies. »
Une communauté intégrée
Dans le canton de Neuchâtel, la communauté bosniaque compte entre 300 et 400 représentants, estime Bekir Omerovic. Lui a vécu ce terrible chapitre de l’histoire de son pays d’origine depuis la Suisse. Il avait 14 ans. Avec sa maman et son frère, ils ont « été évacués » de Srebrenica dans les premiers convois, en 1993.
Le hasard les a conduits en Suisse. La famille est restée 6 mois aux Cernets près des Verrières. Celui qui est aujourd’hui le voyer-chef de La Chaux-de-Fonds garde de cette période un souvenir lumineux. « C’était une transition entre une situation stressante, dangereuse, où vous avez des bombes qui pleuvent tous les jours, les balles qui sifflent, où vous avez faim, où c’est la loi du plus fort qui règne. Et vous arrivez dans un autre pays où c’est le calme. Le seul bruit qu’on entendait, c’était le son des cloches des vaches aux alentours. On nous donnait suffisamment à manger, on nous soignait, on s’occupait de nous. Pour moi, c’était le paradis. »
L’intégration des Bosniaques dans le canton de Neuchâtel est un modèle de réussite, estime Bekir Omerovic. Il évoque « une communauté soudée aujourd’hui intégrée dans tous les segments de la société. »
Bekir Omerovic : « Si la communauté bosniaque est un modèle d’intégration, je dois dire que le canton de Neuchâtel et la Suisse sont aussi un modèle d’accueil. »
Ce dimanche, Bekir Omerovic se rendra à Cernier pour participer à la cérémonie de commémoration du génocide en Bosnie-Herzégovine. « On souhaite rappeler aux générations actuelles et futures les erreurs du passé et tout faire pour que ce genre de choses ne se reproduise plus. » Il y sera avec un de ses deux fils. Même si ces enfants sont petits, il essaye de leur apprendre ce qu’il s’est passé. « Je vais leur dire qu’on va là pour se souvenir de ce qu’il s’est passé, pour se souvenir de leur grand-papa, pour se souvenir de la famille que j’avais avant et qui a disparu dans le génocide. »
« Profiter de ce moment-là pour expliquer ce qu’est le mal absolu. »
La démarche de mémoire de Bekir Omerovic va plus loin. Avec d’autres, il a entamé la construction d’un mausolée dans son village natal, un édifice dédié aux « proches qui ont disparu ». « Je le fais pour les vivants. Pour qu’on puisse se retrouver, parce que vous avez aujourd’hui des gens du village qui sont aux États-Unis, d’autres en Australie, d’autres un petit peu partout dans le monde. »
« L’idée, c’est qu’on se retrouve pour qu’on se connaisse. J’ai des gens que je n’ai pas vus depuis 1993. »
Bekir Omerovic insiste sur le fait que la journée de commémoration du génocide de Srebrenica dimanche à Cernier est ouverte à tous. « On doit pouvoir chercher une solution meilleure avec tout le monde. Il ne faut pas exclure aujourd’hui les communautés. Il faut construire plutôt que de rester dans le passé. Mais surtout ne jamais oublier non plus. » /cwi