La Cour pénale neuchâteloise a condamné lundi un ex-cadre de Tissot et un homme d'affaires français de corruption passive et active, mais pas de gestion déloyale. Elle a prononcé des peines 15 mois de prison avec sursis de deux ans pour chacun d'eux. L'ex-cadre de CK a été entièrement acquitté car la prescription s'applique dans son cas. La défense envisage de recourir au Tribunal fédéral.
"Il y a eu une activité délictuelle continue d'avril 2006 à avril 2015" pour les deux principaux accusés, a déclaré le juge Emmanuel Piaget. La Cour pénale a pris en compte un courriel de février 2014, envoyé par l'ex-cadre à l'homme d'affaires pour lui permettre d'adapter ses prix à la concurrence. La corruption n'est donc pas prescrite, contrairement à ce qui avait été jugé en première instance.
L'ex-responsable des achats de Tissot avait reçu 13,2 millions de francs. "Les montants régulièrement versés ont servi à influencer les commandes chez Tissot", a expliqué le juge. Il s'agit bien de pots-de-vin et d'avantages indus. "L'intention ne fait aucun doute, vu le système mis en place, la régularité des montants, la durée et les efforts pour mettre les montants sur de nombreux comptes".
"Bénéfices partagés"
La corruption active de l'homme d'affaires, établi à l'époque à Hong Kong et qui vit désormais au Vietnam, "a entravé la concurrence dans les glaces saphir pendant une longue période". Son gain net est aussi de 13,2 millions de francs car "il a dit lui-même qu'il partageait la moitié de ses bénéfices avec son ami", l'ex-responsable des achats de Tissot.
Selon la Cour, ce dernier a étroitement collaboré à la mise en place du système, qui comptait plusieurs sociétés en Chine. "Sa culpabilité est moyenne à lourde aussi parce que cela a duré sur une très longue période, vu la hauteur des montants et la régularité des versements qui était un véritable revenu pour lui".
Les deux prévenus n'ont pas été condamnés pour gestion déloyale car "le dommage n'est pas établi", étant donné que Tissot a bénéficié d'un avantage d'économies d'échelle lié à la concentration des commandes.
La Cour pénale a identifié un dommage pour le Swatch Group, par le fait que les glaces saphir chinoises avaient été vendues au même prix que les glaces de Comadur, et qu'il n'y ait pas eu de répercussion de cette baisse de prix. "Dans ce contexte, le dommage est réalisé mais comme l'acte d'accusation ne comprend aucun passage pour décrire le procédé, la Cour pénale ne peut pas le prendre en compte", a ajouté Emmanuel Piaget.
Séquestres maintenus
La procureure Vanessa Guizzetti Piccirilli avait requis des peines allant jusqu'à trois ans et demi de prison ferme. Dans la fixation de la peine, la Cour pénale a indiqué avoir tenu compte de circonstances atténuantes, soit l'écoulement du temps et la durée de la procédure, qui a débuté en 2014, et qui est proche de la prescription.
Par rapport au séquestre, le tribunal cantonal a estimé que les explications de la femme de l'ex-responsable de Tissot - dont elle est séparée - étaient "invraisemblables". Elle avait expliqué que les 500'000 francs sur son compte venaient notamment de la vente de chevaux.
La Cour a ordonné de maintenir le séquestre et a établi la créance compensatrice à 23,4 millions de francs (avec les intérêts) pour l'ex-responsable des achats. Cette dernière se monte à 24 millions pour l'homme d'affaires français né au Cambodge.
Le tribunal a accepté la disjonction de la procédure pour la veuve de l'ex-responsable qualité de Tissot, touchée par le séquestre. Comme le 4e accusé est décédé en décembre 2021, la procédure pénale s'est par contre éteinte pour lui.
/ATS