L’analyse a été réalisée par l’Université de Lausanne et le cabinet PwC Suisse. Elle compare les dépenses et les prestations fournies dans cinq domaines spécifiques. À Neuchâtel, l’étude a été accueillie par Laurent Kurth, responsable des finances cantonales, avec beaucoup de scepticisme
L'efficience des cantons suisses pourrait permettre d'économiser jusqu'à 13 milliards de francs. C’est ce qu’indique lundi la troisième édition du Monitoring de l'efficience des cantons publiée par l'Institut de hautes études en administration publique (IDHEAP) de l'Université de Lausanne et le cabinet PwC Suisse. Ce potentiel d'amélioration a été calculé en comparant les dépenses et les prestations fournies dans cinq domaines : la formation, la culture, les routes, l'aide sociale, l'ordre et la sécurité publics. Pour chaque domaine, un classement des cantons a été établi en citant les meilleurs, mais pas les moins bons.
Neuchâtel apparaît dans ces classements, parfois très bien placé, d’autre fois sous la moyenne nationale. L’étude n’a d’ailleurs pas laissé indifférent Laurent Kurth, conseiller d’État neuchâtelois en charge des finances, « très à l’aise pour en faire la critique dès lors que le canton est au milieu ou au début des classements produits ». Et l’élu ne mâche pas ses mots : « Cette étude est affligeante dans sa méthodologie et dans l’approche qu’elle retient pour juger de l’efficience des cantons », déplore-t-il.
Cinq domaines sous une loupe « simpliste »
La sécurité publique, analysée pour la première fois dans le cadre de cette étude, a un potentiel d'économies de 1,9 milliard de francs. Les cantons latins sont en tête du classement avec une efficience de 82% pour le Tessin, 80% pour Vaud, 78% pour Neuchâtel et 77% pour Genève. Cependant, une grande volatilité règne dans ce domaine, et l'évolution des infractions enregistrées par la police et des moyens investis, tels que les effectifs policiers, sont à la traîne, claironne l’étude. Un constat qui exaspère Laurent Kurth : « Partir du présupposé que le niveau de criminalité dans une société est lié uniquement à l’intervention de la police est une absurdité sans nom. »
En matière d'aide sociale, un potentiel d'amélioration de 2,9 milliards de francs a été calculé, avec une médiane de 75%. Le canton du Tessin se distingue avec un taux d'efficience de 93%, suivi par le Valais avec un taux de 90%. Les différences d'efficience sont plus importantes dans les zones urbaines et densément peuplées et chez les résidents étrangers. « Sans blague », réagit vivement le conseiller d’État en charge du DFS qui n’est pas surpris d’apprendre que ce type de politique est confronté à de plus grands défis dans les zones urbaines avec une population plus variée et moins riche.
« Ça n'a aucun sens de produire des chiffres de cette nature »
Dans le domaine de la formation, le potentiel d'amélioration est le plus important avec 4,6 milliards de francs. Les cantons des Grisons, Schaffhouse, Glaris, Obwald et Berne sont les plus efficaces avec des taux allant de 90% à 87%. Les auteurs de l'étude notent que l'efficience n'a pas beaucoup varié entre 2019 et 2020 malgré la pression exercée sur l'école pendant la pandémie. « On part du principe que la taille est un critère pour atteindre davantage d’efficience. On pourrait avoir des déserts de formation, pourvu que l’on regroupe [les étudiants] dans des lieux de tailles plus importantes (…) Là aussi je ne trouve aucune pertinence et aucun enseignement à tirer de cette étude », conclut Laurent Kurth.
Pour la gestion des routes, des différences "majeures" sont également constatées, même entre des cantons de montagne et des cantons urbains. Genève a enregistré "une nette hausse" de son efficience à 85% et se place en deuxième position derrière Lucerne (86%). La médiane se fixe à 69%, soit un potentiel d'économies d'environ 2,3 milliards.
Enfin, pour la culture, les cantons de Soleure et d'Argovie arrivent en première place avec des taux d'efficience de 83% chacun, suivis par Thurgovie à 82%. L'ensemble des cantons suisses pourrait économiser 1,1 milliard de francs en augmentant leur efficience dans ce domaine. « Je ne sais pas comment on mesure l’efficacité d’une politique culturelle en écartant des pans entiers [la danse, le cinéma, le théâtre, les arts plastiques, etc.] et qu’on ne discute pas des objectifs », s’agace Laurent Kurth.
« L’efficience de la politique culturelle est mesurée au nombre de visiteurs dans les musées et au nombre de bâtiments historiques entretenus »
L'étude met en évidence des différences importantes entre les cantons dans chaque domaine, mais elle ne cherche pas à « blâmer publiquement » les moins performants. Au contraire, elle vise à donner « des pistes d'amélioration », expliquent ses auteurs, ajoutant que chaque canton est informé « confidentiellement » de sa position.
Et Laurent Kurth de conclure : « J’ai terminé la lecture de cette étude en me disant que finalement, si on recherche l’efficience, la première mesure à prendre serait d’économiser les ressources qui ont été à l’origine de cette analyse. » /dsa