Les grandes fêtes populaires augmentent les libertés, tolèrent le désordre, poussent à la transgression des codes, et, au final, forgent une identité commune. C’est le commentaire d’Adrien Juvet
Les Neuchâtelois ont besoin de faire la fête, que ce soit à la Fête du vin de Cressier, à l’Abbaye de Fleurier ou à la Mi-été de La Brévine. C’est un phénomène sociologique qui s’explique. À un mois de la Fête des vendanges de Neuchâtel, Adrien Juvet rappelle que cela permet de souder notre société.
Le commentaire d'Adrien Juvet
Ce grand moment de liesse populaire qu’est la Fête des vendanges, les Neuchâtelois en ont besoin après deux ans de privation. La situation est similaire pour d’autres manifestations comme les Promos du Locle, la Braderie ou encore la Boudrysia. Ce sont des événements qui permettent aux Neuchâtelois d’ici ou d’ailleurs de se retrouver certes, mais de faire la fête, avouons-le, sans modération.
Ce type de grand rendez-vous forge une identité commune et célèbre notre cohésion. Le sociologue chaux-de-fonnier François Hainard le soulignait déjà dans ses cours à l’Université de Neuchâtel : ce genre de fête permet une rupture des normes : les libertés augmentent, le désordre est toléré – et bon dieu que c’est rare dans ce canton protestant – on se lâche, on se déguise, c’est une transgression des codes. Cela permet un rééquilibrage : on remet les compteurs à zéro, m’expliquait hier mon ancien prof de sociologie. Et ce processus est indispensable : regardez à quel point ces manifestations nous ont manqué durant le covid. Leur absence a même parfois provoqué agressivité et dépression.
Stop au chassé-croisé fin septembre !
Mais avouons que la Fête des vendanges peut parfois ressembler à une course de rallye. Vos amis vous donnent des rendez-vous ? Il est indispensable de décliner ces rencontres que vous ne pourrez de toute manière pas honorer à l’autre bout de la ville. Soyez libre… en choisissant de viser des stands, qui par exemple soutiennent certaines associations locales, certaines causes, certaines actions. A coup sûr, vous y retrouverez accoudés au bar de sympathiques complices. Cette liberté totale vous permettra de vagabonder. Je sais dans mon cas que j’irai retrouver nos vignerons dans le nouveau Village neuchâtelois, je tenterai de gagner la rue de l’Hôpital évidemment, sans manquer Saint-Honoré ou encore la place du Numa. En fin de soirée il faudra faire un saut au MGM, histoire de vérifier avec quelques proches la vigueur de nos vins, la qualité de la programmation musicale de cette petite place reculée dont je terrai le nom. Et c’est là, à ce moment, entre les sourires, le mousseux et les confettis, qu’on se souviendra que cette fête, comme d’autres, augmente les libertés, tolère le désordre, permet la transgression des codes, et, au final, forge une identité commune. /aju