Caritas Suisse s'alarme de l'aggravation de la pauvreté en raison du coronavirus. Pour y faire face, l'organisation demande l'introduction de paiements directs ou encore l'augmentation de l'indemnité pour chômage partiel
L'aide déjà engagée par Caritas Suisse pourrait ne pas suffire si la crise se prolonge, s'inquiète lundi l'organisation dans un communiqué. Avant la pandémie, 660'000 personnes en Suisse étaient touchées par la pauvreté. Depuis le début de la crise, le nombre de demandes de conseils sociaux a grimpé à 10'000, soit deux fois plus que les années précédentes.
Selon le directeur de Caritas Jura, Jean-Noël Maillard, il est nécessaire d’assurer un niveau de revenu qui permet d’éviter la grande précarité :
« En réponse à cette augmentation de la pauvreté, Caritas a lancé la plus grande opération d'aide de son histoire pour la population vivant en Suisse », souligne le communiqué. À ce jour, l’aide totale engagée par Caritas s’élève à 12,2 millions de francs, dont 9,7 millions de la Chaîne du Bonheur. Elle vient en aide à plus de 100'000 personnes.
Mais Caritas craint que ces fonds ne suffisent pas si la crise se prolonge. C'est pourquoi elle demande à la Confédération et aux cantons d'introduire des paiements directs pour les ménages et personnes seules dont le revenu se situe au-dessous du seuil leur donnant droit aux prestations complémentaires. Basées sur le modèle des prestations complémentaires, ces aides permettraient de combler l’écart de revenus avec le minimum vital et d'éviter une relégation sociale.
Les personnes les plus touchées par la crise du Covid-19 sont celles qui disposent d’un bas revenu, selon Hugo Fasel. Le président de Caritas Suisse met l’accent sur l’invisible qui embaume le quotidien des personnes vivant dans la pauvreté :
Caritas aimerait également que l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail (chômage partiel) soit portée à 100% du salaire pour les personnes en situation de précarité. Dans la plupart des cas, c'est une perte de salaire ou une réduction du temps de travail qui a aggravé les problèmes financiers des ménages, selon Caritas.
Réduire les dépenses pour l'assurance maladie
Caritas demande aussi que les fonds destinés à la réduction des primes d'assurance maladie augmentent d'au moins 50% dans les deux prochaines années. L'oeuvre d'entraide suggère la mise en place d'un modèle de réduction différenciée des primes. Cela permettrait aux cantons de fixer des objectifs contraignants concernant la part maximale du budget des ménages accordée aux paiements des primes d'assurance maladie.
Pour venir en aide aux sans-papiers, l'organisation d'aide demande aussi que les prestations de l'aide sociale soient découplées des autorisations de séjour. « Toutes les personnes vivant et travaillant en Suisse qui se trouvent en situation de détresse financière doivent bénéficier d'une aide de l'Etat », écrit Caritas.
« Lacunes » du filet social
Pour les ménages se situant au seuil de pauvreté, de petites pertes de revenu engendrent une perte de sécurité en matière de minimum vital, indique Caritas. « L'idée selon laquelle l’aide sociale, en tant que dernier filet de sécurité sociale, peut et doit résoudre ce problème est inadéquat », s'inquiète l'organisation dans le dossier de presse. Elle parle de « lacunes du filet social ».
Par exemple, certaines prestations de l'Etat, comme la réduction des primes d'assurance maladie, sont calculées sur la base des données fiscales, soit sur le revenu de l'année précédente « souvent loin de correspondre à la situation de revenus actuelle ».
Caritas note aussi que les complications bureaucratiques, la honte, la peur des conséquences sur le permis de séjour ou l'obligation de rembourser ensuite l'aide sociale sont tout autant de facteurs qui peuvent entraîner un renoncement aux prestations. Les délais d'attente de traitement des dossiers durant la crise du Covid-19 ont aussi obligé certains à se tourner vers Caritas pour obtenir une aide transitoire.
L'aide de Caritas durant la crise du coronavirus a été fournie à titre subsidiaire, soit seulement aux personnes qui n'avaient pas accès aux aides de l'Etat, rappelle l'organisation. Selon Caritas, ces lacunes du filet social « entraînent une urgence sociopolitique de garantir le minimum vital pour tous et de soulager le budget des ménages ». /ATS-nmy