Députés et sénateurs ont trouvé mercredi un accord sur la réforme des retraites. Emmanuel Macron devait réunir Elisabeth Borne et plusieurs ministres dans la soirée à la veille d'une journée décisive mais encore incertaine à l'Assemblée nationale pour son projet.
'Par ce compromis, ils répondent à la demande des Français de bâtir ensemble des solutions pour le pays', s'est réjouie sur Twitter la Première ministre, qui joue en partie son poste à Matignon sur cette réforme, alors que des manifestants ont à nouveau défilé dans toute la France mercredi, bien que moins nombreux que lors du point d'orgue de la contestation le 7 mars.
Les sept députés et sept sénateurs - et autant de suppléants - réunis en commission mixte paritaire (CMP) sont tombés d'accord sur une version commune de ce texte qui rythme la vie politique et sociale du pays depuis janvier. Les macronistes et la droite étant majoritaires dans cette instance, l'accord prévoit, sans surprise, le report de 62 à 64 ans de l'âge légal de départ en retraite, dénoncé par les syndicats et les oppositions de gauche et d'extrême droite.
'Ambiance lunaire'
La cheffe de file des députés La France insoumise Mathilde Panot a dénoncé 'un accord qui était déjà ficelé' et 'une ambiance lunaire, comme s'il n'y avait pas de mouvement social'.
Le projet, sur lequel Emmanuel Macron joue aussi en partie ses galons de réformateur, doit maintenant être soumis à un vote jeudi matin au Sénat, où droite et centristes devraient lui assurer une victoire, puis l'après-midi à l'Assemblée, où le suspense demeure.
Les voix des députés du parti de droite Les Républicains, eux-mêmes divisés, sont cruciales pour le camp présidentiel qui ne dispose que d'une majorité relative à l'Assemblée. Si une majorité absolue n'était pas garantie, l'exécutif pourrait être tenté de dégainer l'article 49.3 de la Constitution qui permet d'adopter un texte sans vote.
Pas de 49.3 'à ce stade'
Bien qu'en retrait publiquement sur ce dossier qui déterminera en partie la suite de son second quinquennat, le chef de l'Etat suit au plus près les tractations. Il devait réunir mercredi soir à l'Elysée la Première ministre, le ministre du Travail Olivier Dussopt et celui des Relations avec le Parlement Franck Riester.
'Le président de la République est déterminé à ce qu'on puisse aller à un vote comme la Première ministre le souhaite. Il veut s'assurer que les conditions sont bien réunies pour y aller', a expliqué à l'AFP son entourage.
Selon un cadre de la Macronie, 'à ce stade, on ne va pas vers un 49.3', mais il n'est pas exclu. Aucune décision n'est attendue avant jeudi, peut-être à la dernière minute.
Au coeur des interrogations, la décision de plusieurs frondeurs de LR, menés par le député Aurélien Pradié qui conditionne son vote positif à l'inscription sans ambiguïté d'une durée maximale de 43 ans de cotisation pour tous les travailleurs.
Un compromis a été trouvé en CMP sur ce sujet crucial des carrières longues. Mais, de l'aveu même du patron des députés LR Olivier Marleix, il y aura toujours certains travailleurs qui devront cotiser 'un tout petit peu' plus que 43 ans, et certains élus de droite 'ne souhaiteront pas voter' la réforme.
'Jusqu'au dernier moment, il y aura une incertitude', relève ainsi auprès de l'AFP une source gouvernementale. 'Il vaut mieux un 49.3 que pas de réforme du tout', a estimé le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau.
Y avoir recours serait toutefois perçu comme un geste politique très risqué, susceptible de durcir le mouvement comme ont averti plusieurs leaders syndicaux. Utiliser le 49.3 expose aussi l'exécutif à une motion de censure.
Nouvelle mobilisation
Sur le front social, pour la huitième journée de mobilisation, la CGT a dénombré 1,7 million de manifestants en France et le ministère de l'Intérieur 480'000, soit davantage que samedi dernier mais bien moins que le 7 mars. A Paris, le syndicat a dénombré 450'000 manifestants et la police 37'000.
A l'issue de ces manifestations, l'intersyndicale a appelé 'solennellement' les parlementaires à voter contre la réforme.
Cette loi 'est déconnectée de la réalité concrète du travail', a appuyé le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger, présent dans le rassemblement parisien. Le gouvernement 'essaye de rouler tout le monde', notamment la droite, a dénoncé le leader de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon.
Malgré un essoufflement des manifestations, des grèves reconductibles se poursuivaient, même si on est loin d'une 'France à l'arrêt'.
A la SNCF, quelque 15% de grévistes étaient recensés à la mi-journée selon une source syndicale, en nette baisse par rapport au 7 mars. Dans la fonction publique d'Etat, on comptait moins de 3% de grévistes, contre près de 25% il y a huit jours.
Quelque 7000 tonnes d'ordures s'amoncellent à Paris où les éboueurs ont voté la poursuite de leur mouvement au moins jusqu'au 20 mars.
/ATS