Clap de fin pour les débats en première lecture sur la réforme des retraites à l'Assemblée. Au 13e jour, Edouard Philippe a dégaîné samedi le 49-3, engageant la responsabilité du gouvernement pour faire adopter le texte sans vote.
Le Premier ministre, qui avait obtenu le feu vert du Conseil des ministres à la mi-journée, est monté à la tribune de l'Assemblée vers 17h30 pour faire cette annonce surprise, afin de 'mettre fin à cet épisode de non-débat' avec les oppositions, et 'permettre à la suite du processus législatif de s'engager', sous les applaudissements de la majorité.
Le projet de loi sera considéré comme adopté, sauf si une des motions de censure déposées est votée par l'Assemblée nationale, ce qui est hautement improbable. Elles seront débattues en début de semaine.
Deux motions de censure
Les députés LR ont déposé leur motion en premier, disant ne pouvoir 'accepter qu'une réforme, que le gouvernement présente lui-même comme la plus importante de ce quinquennat, puisse ne jamais être votée à l'Assemblée nationale'.
La gauche (LFI, PCF, PS) a déposé sa motion peu après, dénonçant 'un gouvernement qui piétine la procédure parlementaire' et une remise en question par la réforme de 'l'héritage du Conseil national de la Résistance'. Quelques députés de gauche ont rejoint un rassemblement improvisé d'opposants, comprenant des 'gilets jaunes', devant le Palais Bourbon.
'On est passé en force par dessus la volonté des Français (... ) on est passé en force par dessus l'avis du Conseil d'Etat, on est passé en force par dessus les syndicats et maintenant il s'agit de passer en force par dessus l'Assemblée', a ensuite dénoncé dans les couloirs de l'Assemblée l'insoumis François Ruffin, très remonté, qui a confirmé une motion de censure de gauche à venir. La droite pourrait en déposer une également, mais pas commune avec la gauche.
'Après plus de 115 heures de débat en séance publique, de jour comme de nuit, week-ends inclus, l'Assemblée nationale en est arrivée à l'examen de l'article 8 d'un projet de loi ordinaire qui en comporte 65', a souligné le chef du gouvernement, qui utilise le 49-3 sur le volet ordinaire de la réforme, qui avait fait l'objet de 41'000 amendements. Restera pour les députés à étudier le volet organique.
Philippe étrillé
Les deux textes sont attendus en avril au Sénat, puis la navette parlementaire se poursuivra en vue d'une adoption définitive avant l'été.
Le Premier ministre a étrillé l'attitude des oppositions : 'Je n'ai pas le sentiment que ce à quoi nous assistons soit ce que les Français - favorables ou non au projet de loi - attendent de leurs représentants. Je n'ai pas non plus le sentiment que notre démocratie puisse se payer le luxe d'un tel spectacle', a-t-il estimé, alors que le coronavirus mobilise l'exécutif.
'Bien souvent, le recours à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution a été utilisé par des gouvernements obligés de faire face à l'hostilité de leur majorité sur un texte de loi ou sur une ligne politique' mais 'ce n'est pas le cas aujourd'hui', a-t-il aussi considéré. 'Cette majorité, dont la diversité est une chance, s'est engagée lors des élections législatives de 2017 à créer un système universel de retraites, une des réformes les plus ambitieuses et les plus courageuses de ces dernières années'.
Texte enrichi d'amendements
Edouard Philippe a précisé que le texte sur lequel le gouvernement engageait sa responsabilité n'était pas le projet de loi initial mais un texte enrichi d'amendements en lien notamment avec les discussions parallèles avec les partenaires sociaux.
Aussitôt le 49-3 annoncé, les oppositions sont montées au créneau pour critiquer 'une nouvelle preuve de faiblesse de la part du Premier ministre', selon le patron de LR Christian Jacob, ou un gouvernement préférant 'la brutalité du 49-3 au débat', d'après le numéro un du PS Olivier Faure.
'Après avoir refusé un référendum et utilisant la crise du #coronavirus, le gouvernement, avec le cynisme que chacun lui reconnaît, vient de dégainer le 49.3 pour faire passer son odieuse #RéformeDesRetraites', a tweeté pour sa part la présidente du RN Marine Le Pen.
/ATS