Les Russes votent dimanche au dernier jour d'un scrutin destiné à célébrer le triomphe de Vladimir Poutine, malgré la répression, la mort de l'opposant Alexeï Navalny et l'assaut contre l'Ukraine qui constituent la toile de fond de l'élection.
A 17H00 GMT (18h00 en Suisse), les bureaux de vote ont fermé à Moscou. Seule l'enclave russe de Kaliningrad sur la mer Baltique votait encore et l'élection, qui a débuté vendredi, doit s'y conclure à 20H00 locales (19H00 en Suisse). Peu après, de premiers résultats et un sondage réalisé à la sortie des bureaux de vote doivent être rendus publics.
Privés de candidat et malgré la répression, les détracteurs du président russe, aux commandes du pays depuis 24 ans, ont néanmoins voulu se montrer en allant voter au même moment, à midi dimanche.
A Moscou, par endroits, des foules importantes étaient visibles, ont constaté des journalistes de l'AFP.
'Je suis venu pour montrer que nous sommes nombreux, que nous existons', a dit à l'AFP Artiom Minassian, un étudiant de 19 ans.
Dans le quartier moscovite de Marino, devant le bureau où Alexeï Navalny votait, quelques dizaines d'électeurs ont répondu à l'appel.
'J'ai pu rencontrer quelques personnes, leur parler, et j'ai senti qu'ils pensaient la même chose que moi. Je ne suis pas seule', dit Olga 52 ans, avant de partir se recueillir sur la tombe de l'opposant, inhumé dans le quartier.
Dans le cimetière, des dizaines de personnes défilaient, déposant des fleurs fraîches sur la sépulture ainsi que des bulletins sur lesquels a été ajouté le nom de Navalny.
Un mot rappelle une citation que l'opposant appréciait: 'Pour triompher, le mal n'a besoin que de l'inaction des gens de bien'.
Dans l'ensemble, cette mobilisation s'est déroulée dans le calme, mais l'ONG OVD-Info a fait état d'au moins 80 interpellations pour diverses formes de protestations électorales.
Navalnaïa à Berlin
Devant plusieurs ambassades russes dans le monde, des files d'attente immenses se sont formées à l'heure dite. La foule était au rendez-vous notamment à Berlin, Londres et Paris alors que des dizaines de milliers de Russes se sont exilés du fait de la répression et de la mobilisation militaire depuis le début de l'assaut russe contre l'Ukraine en 2022.
L'action de protestation 'Midi contre Poutine' a été visible en Suisse aussi. A Genève, où près de 2000 Russes de Suisse romande étaient attendus pour voter, une longue file d'attente, atteignant près de 400 personnes, s'est formée dès 11h30 devant la Mission russe auprès de l'ONU. A Berne, un millier de personnes ont répondu à l'appel à manifester de l'association Russie de l'avenir / Suisse.
Ioulia Navalnaïa, l'épouse du défunt qui avait lancé cet appel à voter à la mi-journée, a fait la queue toute l'après-midi dans la capitale allemande. Autour d'elle, certains brandissaient des pancartes: 'No Putin, No War', 'La Russie sans Poutine' ou encore 'Poutine est un tueur'.
En fin de journée, elle a été acclamée par ses sympathisants au moment d'entrer dans l'ambassade russe pour voter, selon un journaliste de l'AFP sur place.
Léonid Volkov, ex-proche collaborateur de Navalny, a remercié ces foules: 'Le monde vous a vus. La Russie ce n'est pas Poutine, la Russie c'est vous', a-t-il salué sur X.
Peu de poids
La porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a affirmé que les électeurs venus en masse dans les ambassades n'étaient pas des partisans de l'opposition mais des Russes venus voter 'malgré toutes les menaces de l'Occident'.
Les protestations ne pèseront pas pour autant sur la très prévisible issue du vote. De premières estimations et les résultats d'un sondage d'un institut étatique, Vtsiom, devraient être connus peu après la fermeture des derniers bureaux de vote.
Le président Poutine, 71 ans, est face à trois candidats triés sur le volet et sans envergure. L'opposition a été décimée par des années d'une répression qui s'est accélérée avec le conflit en Ukraine et a culminé avec le décès dans des circonstances troubles d'Alexeï Navalny dans une prison de l'Arctique mi-février.
Frappes meurtrières
Sur le plan militaire, cette semaine électorale a été marquée par des frappes meurtrières et des tentatives d'incursions armées depuis l'Ukraine sur le territoire russe, répliques aux bombardements et assauts quotidiens des forces du Kremlin depuis plus de deux ans.
Dimanche matin, une adolescente de 16 ans a été tuée dans une attaque aérienne contre Belgorod, ville proche de la frontière et souvent ciblée. Dans l'après-midi une autre personne est morte et 11 blessées dans cette même région.
Une frappe de drones imputée à l'Ukraine a également provoqué l'incendie d'une raffinerie dans le sud de la Russie.
Malgré ces attaques, un conflit meurtrier qui se prolonge et des libertés de plus en plus restreintes, le maître du Kremlin peut compter sur une popularité bien réelle et veut montrer que le pays fait bloc derrière lui.
Poutine prône 'l'unité'
'Il nous faut confirmer notre unité', a-t-il martelé jeudi, le pays étant, dans son esprit, la cible d'une guerre ourdie par l'Occident.
Une vision partagée par nombre de ses compatriotes. 'Les actions que l'Occident nous inflige ne font qu'unir davantage le peuple russe', jure auprès de l'AFP Lioubov Piankova, une retraitée de 70 ans de Saint-Pétersbourg, ville natale du chef de l'Etat.
Et dans la soirée à Moscou, la participation au niveau national s'élevait à 73,33%, un record selon les chiffres officiels.
S'agissant de l'Ukraine, alors que le conflit a coûté la vie probablement à des dizaines de milliers de soldats russes, le Kremlin s'efforce de présenter avec triomphalisme de récentes conquêtes à l'ampleur pourtant limitée.
Toute la semaine, l'armée a aussi dû repousser des incursions armées revendiquées par des unités anti-Poutine se disant composées de Russes et visant à perturber le scrutin.
/ATS