La menace de l'exploitation pétrolière continue de peser sur le parc national des Virunga, dans l'est de la RDC, même après l'annonce de l'abandon des projets d'une société pétrolière britannique. La plus vieille réserve naturelle d'Afrique est classée au patrimoine mondial de l'humanité.
Les autorités de la République démocratique du Congo (RDC) ont des 'contacts avec l'UNESCO' pour voir comment 'exploiter judicieusement' le parc des Virunga afin de 'tirer profit [de ses] ressources pour que les populations qui y vivent puissent en profiter', a déclaré vendredi le premier ministre congolais, Augustin Matata Ponyo. L'homme est à l'origine de réformes économiques destinées à faire émerger progressivement la RDC, un des pays les moins développés au monde.
En janvier, M. Matata avait informé les bailleurs internationaux (Union européenne, ONU, Banque mondiale...) que Kinshasa n'avait pas encore donné son aval à l'exploitation des ressources pétrolières dans les limites du parc, mais que si une telle décision était prise, la RDC solliciterait une modification mineure du tracé de la réserve.
Espèces menacées
Depuis que l'on soupçonne la présence de pétrole dans le sous-sol de cette bande de 800'000 hectares s'étirant le long de la frontière avec le Rwanda et l'Ouganda, dans la province du Nord-Kivu, l'Unesco, qui assure le secrétariat du comité du patrimoine mondial, a rappelé à plusieurs reprises que l'exploration et l'exploitation pétrolières étaient 'incompatibles' avec le règlement de cette institution.
Créé en 1925 sous la colonisation belge, le parc des Virunga abrite plusieurs espèces animales menacées, parmi lesquelles le gorille des montagnes, son emblème. La réserve offre une diversité de paysages exceptionnelle (volcans, savane, forêt, zone humide...) et figure depuis 1994 sur la liste du patrimoine mondial de l'humanité en péril.
L'État congolais a attribué en 2010 au groupe français Total et à l'entreprise britannique Soco des permis d'exploration sur des concessions à cheval sur de larges portions de la réserve.
Exploration cachée
A l'issue d'une intense mobilisation internationale et locale, l'État congolais a suspendu ces permis en 2011. Total s'est engagé à ne pas entrer dans le périmètre du parc. Soco a finalement pris un engagement similaire en juin 2014, mais après avoir réalisé une étude sismique dans le cadre d'une 'évaluation' commandée par le gouvernement et destinée à estimer les effets que pourrait avoir une éventuelle exploitation pétrolière sur l'environnement.
Les opposants au forage dans le parc estiment que les tests menés par Soco étaient, en fait, une opération d'exploration cachée.
Soco a annoncé jeudi qu'elle comptait avoir terminé 'mi-2015' l'interprétation des résultats de son étude. L'entreprise affirme qu'après l'avoir livrée au gouvernement, elle 'ne sera plus impliquée d'aucune façon dans le bloc' qui lui a été attribué et qui couvre la moitié sud du parc.
Certains opposants à l'exploitation pétrolière dans les limites actuelles du parc, comme l'ONG anticorruption Global Witness, ont déjà fait part de leur crainte de voir le gouvernement céder son permis à un autre opérateur.
Appel de l'UNESCO
Le comité du patrimoine mondial continue pour sa part d'exhorter Kinshasa à annuler les permis d'exploration production sur le territoire du parc, accordés en infraction avec la convention sur le patrimoine mondial que le Congo a signée.
Interrogé par l'AFP, le représentant de l'UNESCO en RDC, Abdourahamane Diallo, a déclaré qu'il n'y avait pas de 'négociations' entre son institution et Kinshasa sur la question de l'exploitation pétrolière et du parc, mais plutôt des 'discussions' et des 'échanges'.
'A ce jour, il n'y a eu aucune demande formelle' de la part des autorités congolaises de déclassifier une partie du parc, a précisé M. Diallo. Il a indiqué que l'UNESCO était 'dans un dialogue d'information et de sensibilisation' des décideurs politiques congolais sur les implications du classement des Virunga au patrimoine mondial.
Total, de son côté, n'a pas renoncé à ses projets dans la zone de son permis ne couvrant pas le parc. Selon une source proche du dossier, en dépit de la baisse des cours du pétrole, l'entreprise place toujours beaucoup d'espoir dans sa concession et se prépare pour une étude sismique qui devrait avoir lieu autour de la fin de l'année.
/ATS