Une marée humaine a défilé vendredi dans le centre d'Alger pour un troisième vendredi consécutif contre un cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika, qui refuse de céder. La foule a été peu impressionnée par ses mises en garde sur les risques de 'chaos'.
La mobilisation était très largement supérieure à celle des manifestations des deux derniers vendredi à Alger, pourtant déjà impressionnantes, a constaté l'AFP. Mais elle est difficile à chiffrer, les autorités ne donnant aucune évaluation du nombre de protestataires. Certains, sur les réseaux sociaux, évoquaient 'peut-être des millions' mais sans source vérifiée.
A Oran et Constantine, respectivement deuxième et troisième villes du pays, la mobilisation a été également très importante, comme dans d'autres villes du pays.
Les rassemblements ont coïncidé avec la célébration du 8 mars, journée internationale des femmes. Un grand nombre d'entre elles figuraient parmi les manifestants de tous âges qui ont défilé dans le calme, aux cris de 'Pouvoir, assassin', ou 'Pas de 5e mandat, eh Bouteflika!'. 'Ils ont les millions, nous sommes des millions', proclame une pancarte brandie par une femme dans le cortège.
Heurts en fin de cortège
La police a fait usage de gaz lacrymogènes et de grenades assourdissantes dans l'après-midi pour disperser des manifestants qui tentaient de forcer un cordon de police bloquant l'accès à une artère remontant vers la présidence de la république, selon un journaliste de l'AFP.
Alors que le cortège s'est dispersé calmement et que les rues se vidaient à la tombée de la nuit, des heurts ont opposé, comme les deux semaines passées à la fin de la manifestation, de petits groupes de jeunes aux policiers bloquant cette artère.
'A la fin de cette journée du vendredi 8 mars 2019 (...) un nombre important de délinquants s'est manifesté dans le but de commettre des actes de saccage et de vandalisme', a expliqué la direction générale la sûreté nationale (DGSN) qui chapeaute les services de la police algérienne.
La police a arrêté 195 personnes après les heurts, qui ont fait 112 blessés dans les rangs des forces de l'ordre. Aucun autre incident notable n'a été signalé durant la manifestation, qui s'est déroulée dans une ambiance festive.
'Du jamais vu'
A Oran, toute la ville 'est sortie. C'est du jamais vu', a rapporté un journaliste, faisant état d'une mobilisation beaucoup plus importante que les deux précédents vendredis A Constantine, aussi, 'il y a une très grosse mobilisation' et 'beaucoup plus de monde' que les 22 février et 1er mars, selon un journaliste sur place.
La mobilisation a également été 'impressionnante' à Annaba, quatrième ville du pays et à Béjaïa, dans la région de Kabylie (nord), selon un journaliste sur place.
Des sources au sein des services de sécurité ont signalé des marches 'massives' à Tizi-Ouzou, autre ville de Kabylie, Tiaret et Mascara (nord-ouest). D'autres manifestations ont été également signalées à Ghardaïa (centre), M'sila (nord), Sidi bel Abbes et Tlemcen (nord-ouest), selon ces sources.
'Pas une pierre je ne jetterai'
Aucun incident n'a été signalé en province. En plus des appels à la mobilisation, sous le hashtag '#Mouvement_du_8_Mars', avaient également circulé sur les réseaux sociaux les '18 commandements des marcheurs du 8 mars', rappelant le mot d'ordre de manifestation 'pacifique'.
Parmi ces commandements écrits par le poète et écrivain Lazhari Labter: 'Pacifiquement et tranquillement je marcherai', 'A aucune provocation je ne répondrai', 'Pas une pierre je ne jetterai, 'Après la marche (...) je nettoierai'.
Les Algériens ont fait peu de cas vendredi du message que leur a adressé la veille M. Bouteflika, 82 ans, hospitalisé à Genève depuis plus de dix jours et dont le retour au pays n'a toujours pas été annoncé.
Vendredi, l'homme d'affaires controversé Rachid Nekkaz, qui voulait se présenter à l'élection présidentielle, a été arrêté par la police suisse en tentant de pénétrer dans l'hôpital genevois où est soigné M. Bouteflika. Il sera déféré devant le ministère public pour 'violation de domicile'.
/ATS