La Russie a largement fait fi vendredi des pressions occidentales. Moscou a exprimé un scepticisme croissant quant à l'empoisonnement par un agent neurotoxique de l'opposant russe Alexeï Navalny diagnostiqué en Allemagne.
L'Otan a elle pressé vendredi, au lendemain de menaces de sanctions de l'UE, Moscou de tout révéler de son programme Novitchok, le type de substance chimique incriminé qui a été mis au point par les Soviétiques dans les années 70. Pour le Kremlin, les appels occidentaux n'y changent rien.
'Dès les premiers jours, des pistes différentes, y compris celles de l'empoisonnement ont été examinées' par les spécialistes russes, a dit vendredi le porte-parole de la présidence russe Dmitri Peskov, et 'selon nos médecins, cette piste ne s'est pas confirmée, d'autres pistes médicales sont à l'étude'.
Le ministre de l'Intérieur Vladimir Kolokoltsev a jugé qu'il 'n'y a aucune raison' de penser qu'un crime a été commis. Les jours précédents, les responsables russes avait déjà estimé que Moscou n'avait rien à se reprocher, que toute sanction serait inadmissible et mis en garde contre une 'politisation' du dossier.
'Preuves sans équivoque'
Le gouvernement allemand avait pourtant annoncé avoir des 'preuves sans équivoque' que l'opposant russe, hospitalisé à Berlin, avait été empoisonné avec un agent de type Novitchok. Angela Merkel avait en conséquence réclamé des explications à la Russie.
M. Navalny, connu pour ses enquêtes anti-corruption visant l'élite politique russe, s'est trouvé mal le 20 août et a été hospitalisé en urgence à Omsk en Sibérie, avant d'être évacué vers Berlin à l'issue d'un bras de fer entre son entourage et les médecins russes.
Le Novitchok avait déjà été utilisé contre l'ex-agent double russe Sergueï Skripal et sa fille Ioulia en 2018 en Angleterre. Selon les autorités britanniques, le GRU, le renseignement militaire russe, était le principal suspect.
Cette affaire avait déjà entraîné des sanctions contre la Russie, qui avait nié toute implication.
Appel à coopérer
Le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg a lui appelé vendredi Moscou à 'coopérer pleinement avec l'OIAC (Organisation pour l'interdiction des armes chimiques) dans le cadre d'une enquête internationale impartiale', d'autant que le Novitchok a été interdit par cette organisation.
S'exprimant avant cet appel, M. Peskov avait lui jugé que c'était au contraire à l'Allemagne de se montrer plus disposée à la coopération.
'L'hôpital d'Omsk fournissait des informations plus détaillées et plus souvent que Berlin sur l'état du patient', a-t-il estimé, jugeant les médecins russes 'plus transparents' que leurs collègues allemands.
Digestion, alcool, fatigue
Le porte-parole du Kremlin, qui ne prononce jamais le nom d'Alexeï Navalny, a enfin relevé que les services secrets russes étaient en train 'd'analyser' les affirmations du président bélarusse Alexandre Loukachenko qui dit que son pays a intercepté un échange entre Berlin et Varsovie prouvant que l'empoisonnement était une 'falsification'.
Le toxicologue en chef de la région d'Omsk, Alexandre Sabaïev, a lui déclaré que M. Navalny, toujours en coma artificiel et sous ventilateur, a pu être la victime d'un problème de digestion, d'alcool ou de fatigue, mais pas d'un poison.
'Son organisme n'a pas réagi à du poison, donc il n'y en avait pas', a-t-il affirmé.
Selon lui, son état a pu être causé par son 'régime alimentaire', 'peut-être par des abus d'alcool' voire même 'le stress ou la fatigue' ou 'une longue période d'exposition au soleil ou au contraire à un refroidissement'.
'Les versions les plus absurdes'
Ivan Jdanov, le directeur du Fonds de la lutte contre la corruption (FBK) fondé par l'opposant, avait estimé jeudi que le Kremlin allait multiplier les efforts pour discréditer l'idée de la tentative d'assassinat.
'L'Etat russe va imaginer les versions les plus absurdes, les plus insensées, pour expliquer ce qui s'est passé. C'est leur façon de travailler', a-t-il déclaré jeudi dans un entretien à l'AFP, en dénonçant un 'nouveau chapitre' dans l'histoire des violences du Kremlin contre ses adversaires.
/ATS