Les enquêteurs onusiens estiment que les probables crimes contre l'humanité perpétrés au Venezuela ont été menés après 'un plan délibéré' du président Nicolas Maduro. Les violations perpétrées par deux entités du renseignement se poursuivent, selon eux.
Dans son nouveau rapport publié mardi à Genève, la Mission internationale d'établissement des faits, qui ne s'exprime pas au nom de l'ONU mais est mandatée par le Conseil des droits de l'homme, dénonce un climat d'impunité presque totale. Il y a deux ans, elle avait déjà affirmé que le chef de l'Etat, tout comme ses ministres de l'Intérieur et de la Défense, n'ignoraient pas les crimes.
La mission parlait déjà de probables crimes contre l'humanité. Elle identifiait six entités surtout responsables de ces violences, dont les deux en charge du renseignement. Cette fois-ci, le reproche contre le président est encore plus précis.
Selon les trois enquêteurs, le chef de l'Etat et de hauts responsables ont établi une approche pour réprimer tous les opposants. Les actes n'ont pas été perpétrés par des individus 'de manière aléatoire', a dit à la presse la présidente de la mission, Marta Valiñas. 'C'était une machinerie', ajoute-t-elle.
Au total, les enquêteurs mentionnent 11 hauts responsables des deux entités en charge du renseignement, dont plusieurs anonymement. Mais ils élargissent leur demande d'investigations à 'tous les niveaux', y compris le sommet de l'Etat, et dans toutes les juridictions, nationales comme internationales.
Ordres donnés par le chef de l'Etat
Si le procureur général n'honore pas les obligations internationales de son pays en ouvrant une procédure, la Cour pénale internationale (CPI) devrait poursuivre toutes ces personnes, ajoute un autre membre de la mission. Seuls quelques cas, mais attribués à des responsables de rang moins élevé, ont été abordés par les autorités judiciaires nationales. Les enquêteurs saluent l'ouverture d'une investigation formelle il y a moins d'un an par la CPI.
Plusieurs sources ont dit à la mission que Nicolas Maduro donnait lui-même les ordres au chef du renseignement militaire intérieur Ivan Hernandez Dala, toujours en personne ou par téléphone. Le chef de l'Etat 'approuve et, parfois, demande la détention d'opposants réels ou considérés comme tels'. Il lui est reproché le même fonctionnement avec le renseignement civil.
Plus largement, son épouse, le président de l'Assemblée nationale constituante et un ancien vice-président, désormais ministre, font également partie de ceux qui ont ordonné certaines interpellations. Nicolas Maduro aurait également, à certaines reprises, demandé au renseignement militaire de fabriquer de quoi mettre en cause certains opposants, en l'absence de preuves contre eux.
Appel également pour les victimes
Près de 180 cas de torture attribués à deux entités du renseignement vénézuélien ont été identifiés au total par les trois enquêteurs depuis le début de la crise politique au Venezuela, mais le chiffre est probablement plus important. Ces actes se poursuivent, selon le rapport. Ils 'doivent être arrêtés immédiatement', dit Mme Valiñas.
Non seulement les responsables ne sont pas poursuivis, mais ils sont promus par le chef de l'Etat. Avant de quitter son mandat, la Haute commissaire de l'ONU aux droits de l'homme Michelle Bachelet avait salué une amélioration de la situation, notamment dans l'accès de son bureau au pays.
La mission estime au contraire que la crise des droits humains reste très importante. Parmi ses autres reproches, elle dénonce le contrôle de l'Etat et de groupes criminels sur les populations dans les activités extractives du sud du pays. Là encore, de la torture a été observée.
La mission demande des investigations rapides et indépendantes sur toutes les accusations de violations des droits humains dans le pays. Les responsables présumés des entités du renseignement doivent être suspendus et un mécanisme de surveillance indépendant doit être établi sur les activités de celles-ci. Les victimes doivent obtenir des réparations et doivent être protégées.
/ATS