François Reyl, jugé à Paris pour le blanchiment des avoirs de l'ex-ministre français Jérôme Cahuzac, a affirmé jeudi ne s'être jamais occupé des comptes mis en cause. Le banquier a décrit 'le dilemme du banquier suisse', entre morale et légalité.
Jérôme Cahuzac, ancien champion du redressement fiscal en France, est jugé depuis lundi pour fraude et blanchiment, au côté de son ex-épouse, pour avoir détenu des comptes cachés à l'étranger. Le tribunal suspecte la banque genevoise Reyl et son patron d'avoir participé au blanchiment. L'établissement aurait renforcé l'opacité des avoirs, transférés à Singapour.
Pour l'élégant banquier, encore bronzé et souriant, toute cette affaire repose sur 'l'insupportable dilemme du banquier suisse', tiraillé 'entre la législation suisse' qui ne punit pas la fraude fiscale et 'l'exigence morale' de transparence.
'Le 1er janvier 2017, la Suisse aura accepté l'échange d'informations automatique. Ce dilemme du banquier suisse aura pris fin. Je suis heureux que nous basculions dans un nouveau monde', a-t-il déclaré.
A la barre, il explique avec pédagogie comment fonctionne un établissement de gestion de fortune, comment il a rejoint en 2002 la société de son père pour la développer, avant d'en prendre la direction en février 2009. 'De 2002 à 2009, je ne m'occupe pas du tout de la gestion des clients. M. Cahuzac a été suivi, durant toute sa présence chez Reyl, par mon père (Dominique Reyl, qui n'est pas poursuivi, ndlr) et Eldin Reyl, son assistante et épouse', affirme-t-il.
Un contact dû au hasard
Le président de la 32e chambre correctionnelle, Peimane Ghaleh-Marzban, s'étonne, rappelant une conversation téléphonique avec Jérôme Cahuzac, en 2003. 'Un hasard', pour le banquier: 'je me retrouve avec quelqu'un qui me demande un transfert de 106'000 euros pour un achat de tableau. Je passe la commission au groupe de gestion de comptes. Cela a dû durer dix secondes'.
Entamé mercredi, l'examen minutieux des comptes de l'ancien ministre et le rôle de sa banque devait se poursuivre toute la journée jeudi. L'ensemble des avoirs de M. Cahuzac, regroupés en 1998 chez Reyl, seront transférés en 2009 à Singapour via plusieurs sociétés-écran.
L'ancien ministre a été contraint à la démission en mars 2013, après avoir nié pendant des mois avoir eu un compte caché à l'étranger. Le scandale avait fait tanguer le gouvernement et écorné la 'République exemplaire' promise par le président François Hollande lors de sa campagne.
/ATS