Le président kényan Uhuru Kenyatta a appelé vendredi lors d'un sommet africain à interdire complètement le commerce de l'ivoire. Cela afin d'empêcher l'extinction des éléphants à l'état sauvage, massacrés par des braconniers pour leurs défenses.
'Perdre nos éléphants, ce serait perdre une partie essentielle de l'héritage qui nous a été confié. (...) Nous ne permettrons pas que ça arrive', a déclaré le président Kenyatta à l'ouverture de la rencontre à Nanyuki (centre).
Ce sommet réunit les présidents du Kenya, de l'Ouganda, du Gabon, ainsi que de nombreuses ONG. Il précède l'incinération samedi à Nairobi du plus gros stock d'ivoire jamais brûlé en une seule fois. Cent cinq tonnes de défenses d'éléphant partiront en fumée, soit environ 5% du stock d'ivoire mondial.
Réunion de la CITES en septembre
M. Kenyatta a assuré qu'il demanderait 'une interdiction totale du commerce de l'ivoire' à la prochaine réunion de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES), en septembre à Johannesburg.
Le célèbre paléoanthropologue Richard Leakey, qui dirige le Service kényan de la faune (KWS), en a profité pour lancer un appel aux pays d'Afrique australe, leur demandant d'emboîter le pas au Kenya et de se débarrasser de leurs stocks d'ivoire. 'Tant que vous gardez ces stocks, vous suggérez qu'il y aura de nouveau un marché à l'avenir', a-t-il lancé.
30'000 morts par an
Environ 30'000 éléphants sont tués chaque année pour leurs défenses par des braconniers de mieux en mieux équipés. La conséquence est dramatique: additionnées, les morts naturelles et celles imputées aux braconniers surpassent le taux de reproduction de l'espèce.
Et c'est la survie à l'état sauvage des 450'000 à 500'000 éléphants d'Afrique qui est en jeu, d'ici une à deux générations à peine.
Légers progrès
Mais la partie n'est pas perdue, selon les associations de protection des animaux.
Au Kenya, les efforts conjugués du gouvernement et des réserves animalières privées ont permis d'enregistrer une diminution du nombre d'éléphants tués par les braconniers (93 en 2015 contre 164 en 2014).
En attendant une éventuelle interdiction complète du marché de l'ivoire, le Kenya tente de gagner sa croisade antibraconnage. Dans la réserve privée d'Ol Pejeta, non loin de Nanyuki, une équipe d'intervention rapide de rangers, qui se déplace en hélicoptère, est ainsi à pied d'oeuvre depuis 2011.
Équipement de visée nocturne, communications radio cryptées, armement sophistiqué et entraînement dispensé par d'anciens membres des forces spéciales britanniques, rien n'a été laissé au hasard. Depuis, le nombre d'incidents liés au braconnage a drastiquement chuté dans la zone. Cette approche militaire se révèle efficace mais coûteuse: de 1,5 à 2 millions de dollars par an pour la réserve.
Condamnations rares
Elle n'a surtout d'intérêt que si les braconniers arrêtés sont ensuite effectivement jugés et condamnés. Dans un pays miné par la corruption, les condamnations de braconniers et des têtes de ces réseaux criminels sont encore rares. Bien souvent, les dossiers ou les preuves disparaissent des tribunaux, à la faveur de procédures sans cesse ajournées.
Mais selon Shamini Janyanathan, conseillère juridique de l'ONG de protection des éléphants Space for Giants ('De l'espace pour les géants'), les choses sont en train de changer.
Cinq importants dossiers de braconnage sont actuellement instruits par la justice à Mombasa, principal port kényan et lieu de transit de l'ivoire illégal vers l'Asie du Sud-Est. Il y a encore deux ans, il n'y en avait aucun.
Le but du sommet de vendredi, c'est de voir 'comment on peut étendre ces efforts à travers le continent', explique Max Graham, directeur de Space for Giants.
Problème: la demande en Asie
Toutefois, ajoute-t-il, 'la lutte antibraconnage ne résoudra pas tout, car le problème provient de la demande en Asie'.
La Chine, qui a récemment durci sa législation sur les importations d'ivoire, permet cependant la revente de 'l'or blanc' acheté avant l'interdiction internationale du commerce d'ivoire en 1989.
'Nous avons besoin d'assister à l'interdiction complète du marché intérieur. Si cela arrivait, le problème du braconnage disparaîtrait du jour au lendemain', a affirmé M. Graham.
/ATS