La Suisse va siéger en 2023 et 2024 au Conseil de sécurité de l'ONU, l'organe le plus élevé du système multilatéral, en pleines tensions. Sans surprise, elle a été élue jeudi à New York par 187 voix sur 190 valables.
Candidate officiellement depuis plus de 10 ans, elle était la seule à briguer avec Malte les deux sièges non permanents du bloc d'Europe occidentale qui étaient attribués jeudi. Elle va arriver dans un organe exécutif du système onusien souvent bloqué depuis des années par le droit de veto des grandes puissances.
Pour être élue, il lui fallait rallier au moins deux tiers des Etats membres votants parmi les 193 de l'organisation. Avec 187 voix, la Suisse égale un record pour un pays d'Europe occidentale.
De quoi réjouir le président de la Confédération Ignazio Cassis. 'Je suis fier', a-t-il affirmé devant la presse suisse, mentionnant 'un jour très important' pour la Suisse et 'le témoignage important de la confiance' en elle. Un résultat observé après de nombreuses années de préparation, fait-il remarquer.
'Je suis convaincu que la Suisse est prête et à la hauteur de la tâche', a insisté le président. Dans une période très difficile, des Etats comme elle 'peuvent jouer un rôle constructif' et favoriser le dialogue. Notamment alors que 'l'agression militaire russe en Ukraine' pose un défi au Conseil de sécurité.
Dès janvier prochain, la Suisse participera comme membre non permanent aux travaux du Conseil de sécurité pour deux ans, nouvelle entrante aux côtés de Malte, du Mozambique, de l'Equateur et du Japon. Avec une présidence en mai prochain et une probable en septembre 2024 qui lui permettront de donner le ton à l'organe exécutif de l'ONU.
Vetos et neutralité
Après cette élection, la Suisse sera dans les prochains mois au centre des défis de la communauté internationale. Début juillet, elle accueillera la conférence sur la reconstruction de l'Ukraine à Lugano (TI) à laquelle pourrait participer le président ukrainien et où des dizaines d'Etats sont conviés.
De même, elle attend toujours une réponse de la Russie à l'offre suisse de représentation des intérêts ukrainiens dans ce pays et inversement. Une proposition acceptée par l'Ukraine.
'La Suisse se trouve en ce moment dans un chapitre important de son histoire en termes de politique étrangère', avait affirmé dès mercredi soir le président de la Confédération. Parmi les défis au Conseil, Berne souhaite que le veto soit utilisé le moins souvent possible par les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France et la Grande-Bretagne. Le président dit la Suisse prête à oeuvrer pour tenter de les convaincre.
Ces dernières semaines, les dirigeants de plusieurs pays ont relayé auprès de Keystone-ATS leur enthousiasme sur l'arrivée de Berne. Ils ont souvent mentionné son rôle de médiateur, devenu encore très recherché au Conseil, en pleines tensions sur l'Ukraine. Jeudi, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a salué cette élection. Il y voit une 'nouvelle preuve d'engagement en faveur de la paix et de la sécurité mondiales', a dit à Keystone-ATS son porte-parole, Stéphane Dujarric.
La neutralité aura souvent été au centre des questions. La Suisse a depuis longtemps fait l'analyse qu'elle n'était pas incompatible avec un engagement actif au Conseil de sécurité. Plus récemment, elle est également arrivée à cette approche sur l'application des sanctions russes.
Attention à la paix et au climat
Paradoxalement, selon certains observateurs internationaux, la lutte pour ce siège aura été plus acharnée sur le front intérieur qu'auprès des autres Etats. Depuis des années, l'UDC et son tribun Christoph Blocher ont milité contre cette participation au Conseil de sécurité, souhaitant même que cette question soit réglée devant le peuple.
Jusqu'au bout, le parti de droite aura tenté de s'opposer à ce scénario, obtenant des sessions extraordinaires dans les deux chambres du Parlement. Mais il n'aura pas réussi à convaincre sur ses craintes d'un effritement des possibilités de bons offices suisses en cas d'association à l'instance onusienne.
Côté ONG aussi, le soutien n'est pas entier non plus. La coalition Alliance Sud a pointé notamment le rôle de la place financière helvétique et des grandes entreprises multinationales. Celles-ci 'violent les droits humains dans les pays économiquement défavorisés et nuisent considérablement à leur développement durable', selon elle.
Et le Conseil fédéral avait annoncé de son côté récemment qu'il mettrait l'accent pendant son mandat sur la paix et le climat. La Suisse veut aider à une paix durable, protéger la population civile, oeuvrer à la sécurité climatique et renforcer l'efficacité de l'organe. Depuis longtemps, elle défend une réforme du Conseil de sécurité alors que l'enceinte est bloquée par le droit de veto des cinq membres permanents.
/ATS