La Cour internationale de justice demande à Israël de faire tout son possible pour 'empêcher' tout éventuel acte de 'génocide' dans la bande de Gaza, et y permettre l'accès de l'aide humanitaire. Un verdict salué par l'Afrique du Sud, qui avait saisi le tribunal.
Israël doit tout faire pour 'empêcher la commission de tous actes entrant dans le champ d'application' de la Convention sur le génocide, et doit prendre 'toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir et punir l'incitation directe et publique à commettre le génocide', a déclaré vendredi la Cour internationale de justice (CIJ), qui siège à La Haye.
La CIJ n'a toutefois pas évoqué de cessez-le-feu. A ce stade, la Cour ne s'est pas avancée sur la question de savoir si Israël commet effectivement ou non un génocide. Elle s'est prononcée sur des ordonnances d'urgence avant d'examiner l'affaire sur le fond, un processus qui peut prendre des années.
Par ailleurs, les ordonnances de la Cour, qui tranche les différends entre pays, sont juridiquement contraignantes et sans appel, mais elle n'a aucun moyen pour les faire appliquer. Elle a, par exemple, ordonné à la Russie de suspendre son invasion de l'Ukraine, sans résultat.
Israël doit également prendre 'des mesures immédiates et efficaces pour permettre la fourniture des services de base et de l'aide humanitaire dont les Palestiniens ont un besoin urgent pour faire face aux conditions de vie défavorables auxquelles sont confrontés les Palestiniens', a statué la CIJ.
'Victoire décisive'
L'Afrique du Sud a immédiatement réagi en saluant une 'victoire décisive pour l'Etat de droit international et une étape importante dans la quête de justice pour le peuple palestinien'.
Le ministère des Affaires étrangères, dans son communiqué, estime que la Cour 'a déterminé que les actions d'Israël à Gaza sont plausiblement génocidaires et a indiqué des mesures provisoires sur cette base', la remerciant 'pour sa décision rapide'.
Pretoria avait lancé la procédure en estimant qu'Israël viole la Convention des Nations unies sur le génocide de 1948, établie au lendemain de la Seconde guerre mondiale et de l'Holocauste.
'Les génocides ne sont jamais déclarés à l'avance', a souligné Adila Hassim, une avocate de l'Afrique du Sud, lors d'audiences courant janvier. 'Mais cette Cour bénéficie des 13 dernières semaines de preuves qui montrent de manière incontestable un modèle de comportement et d'intention qui justifie une allégation plausible d'actes génocidaires', a-t-elle ajouté.
Cette décision est 'un développement important' qui 'contribue à isoler Israël' et 'dénoncer ses crimes' dans la bande de Gaza, a réagi le mouvement islamiste palestinien Hamas. 'Aucun Etat n'est au-dessus de la loi', a de son côté déclaré l'Autorité palestinienne.
L'Espagne, l'une des voix les plus critiques en Europe à l'égard d'Israël depuis le début du conflit avec le Hamas, a salué la décision de la CIJ et demande aux parties d'appliquer les mesures provisoires qu'elle a décrétées.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu juge pour sa part 'scandaleuses' les accusations de 'génocide' à Gaza déposées par l'Afrique du sud, après la décision de la CIJ. 'La tentative ignoble de refuser à Israël' le 'droit fondamental' de se défendre est 'une discrimination flagrante contre l'Etat juif, et elle a été 'rejetée à juste titre', a estimé M. Netanyahu.
'Le monde à l'envers'
L'affaire a suscité de vives émotions en Israël. 'C'est le monde à l'envers', avait déjà estimé M. Netanyahu avant le verdict. 'S'il y a eu des actes qui peuvent être qualifiés de génocidaires, alors ils ont été perpétrés contre Israël', a affirmé l'avocat israélien Tal Becker devant la CIJ.
M. Netanyahu a déjà laissé entendre qu'il ne se sentirait pas obligé de suivre une ordonnance de la cour. 'Personne ne nous arrêtera, ni La Haye, ni l'Axe du Mal, ni personne d'autre', a-t-il lancé.
Le Hamas s'est engagé jeudi à respecter un cessez-le-feu s'il était réclamé par la CIJ, mais à condition qu'Israël s'y conforme aussi.
'Il est beaucoup plus difficile pour d'autres Etats de continuer à soutenir Israël face à une tierce partie neutre qui estime qu'il existe un risque de génocide', analysait pour l'AFP Juliette McIntyre, experte en droit international à l'Université d'Australie du Sud.
'Des Etats pourraient retirer leur soutien militaire ou autre à Israël afin d'éviter cela', a-t-elle ajouté, soulignant en outre l'impact symbolique 'énorme' de toute décision rendue contre l'Etat hébreu au titre de la Convention sur le génocide, compte tenu de son histoire.
Pretoria a reconnu le 'poids particulier de la responsabilité' d'accuser Israël de 'génocide', mais a déclaré qu'elle était tenue de respecter ses obligations en vertu de la convention.
/ATS