Des bombardements russes meurtriers d'une ampleur inégalée depuis des mois ont frappé Kiev et d'autres villes d'Ukraine lundi. Des attaques dénoncées comme 'aveugles' par les Occidentaux, deux jours après l'explosion qui a endommagé le pont russe de Crimée.
Le Bélarus annonçait quant à lui un déploiement aux contours non précisés de troupes conjointes avec son allié russe, faisant craindre l'ouverture d'un nouveau front à la frontière nord de l'Ukraine. Le président Alexandre Loukachenko a accusé lundi la Pologne, la Lituanie et l'Ukraine de préparer des attaques 'terroristes' et un 'soulèvement' dans son pays.
'Ils essaient de nous détruire tous, de nous effacer de la surface de la terre', a réagi le président ukrainien Volodymyr Zelensky lundi matin alors que les missiles russes frappaient les villes ukrainiennes, réclamant à ses alliés occidentaux une réponse 'dure' face à Moscou.
Le président russe Vladimir Poutine a justifié ses bombardements 'massifs' en dénonçant l'attaque 'terroriste' de l'Ukraine contre le pont reliant le territoire russe à la Crimée, péninsule annexée par Moscou en 2014.
Les frappes ont fait au moins 11 morts et 89 blessés à travers le pays, selon le dernier bilan de la police.
Le premier ministre Denis Chmygal, a indiqué qu'onze infrastructures importantes avaient été endommagées dans huit régions, en plus de la capitale.
'Ils veulent détruire le système énergétique', a estimé Volodymyr Zelensky, alors que des coupures d'électricité affectaient de nombreuses régions ukrainiennes. L'Ukraine a annoncé arrêter ses exportations d'électricité à destination de l'Europe suite à ces frappes.
Ces frappes ont provoqué l'indignation en Occident.
Condamnations
L'Union européenne a estimé que ces attaques s'apparentaient à des 'crimes de guerre' dont les responsables devront 'rendre compte', appelant le Bélarus à 'ne pas être partie à l'agression brutale menée par la Russie'.
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a dénoncé 'une escalade inacceptable' et le président français Emmanuel Macron a déploré un 'changement profond de la nature' du conflit.
L'Otan, que l'Ukraine ambitionne d'intégrer, a condamné des 'attaques horribles et aveugles' contre des infrastructures civiles et promis son soutien à Kiev 'aussi longtemps qu'il le faudra', selon son secrétaire général Jens Stoltenberg.
Le président américain Joe Biden a condamné la 'brutalité absolue' des bombardements russes et son secrétaire d'Etat Antony Blinken a assuré l'Ukraine du 'soutien' de Washington après ces 'horribles frappes'. 'Je condamne fermement les attaques russes contre la population civile de Kiev et d'autres villes en Ukraine', a fustigé sur Twitter le premier ministre israélien Yaïr Lapid
Berlin a annoncé une réunion d'urgence virtuelle des dirigeants du G7 et du président Volodomyr Zelensky pour mardi à 12h00 GMT (14h00 suisses). L'Allemagne livrera aussi en urgence un premier système de défense antiaérienne promis de longue date.
La Suisse s'est jointe à ces condamnations, en particulier des attaques contre des zones résidentielles. Le président de la Confédération Ignazio Cassis a appelé Moscou, via Twitter, à cesser immédiatement ses 'attaques indiscriminées', ajoutant que les civils devraient être protégés conformément au droit international humanitaire.
Premier épisode
Vladimir Poutine a indiqué lundi que la Russie avait mené une campagne 'massive' de bombardements 'contre l'infrastructure énergétique, militaire et de communication de l'Ukraine', en réponse à l'attaque 'terroriste' du pont de Crimée.
Il a promis des répliques 'sévères' en cas de nouvelles attaques ukrainiennes contre la Russie. Les frappes 'ont atteint leur objectif', a assuré le ministère russe de la Défense.
Dimanche, M. Poutine avait accusé l'Ukraine d'avoir organisé l'explosion samedi matin qui a détruit une partie du pont de Crimée, construit à grands frais et inauguré en 2018. L'attaque a fait trois morts.
Kiev n'a ni confirmé ni démenti son implication.
L'ex-président Dmitri Medvedev, actuel numéro 2 du Conseil de sécurité russe, a été plus loin, promettant d'ores et déjà que les frappes de lundi n'étaient qu'un 'premier épisode' et appelant au 'démantèlement total du régime politique de l'Ukraine'.
'Tuer des civils'
Selon la Défense ukrainienne, l'armée russe a lancé lundi 83 missiles, dont 52 ont été interceptés, ainsi que des drones de fabrication iranienne sur le pays.
Une demi-douzaine de déflagrations ont été entendues à Kiev, avec des frappes sur plusieurs quartiers dont le centre-ville, pulvérisant notamment une aire de jeux pour enfants dans un parc. Dans la rue voisine le missile a creusé un cratère, un corps sans vie gisant sous une couverture thermique.
'Il y a une université, deux musées, il n'y a pas de cible militaire. Ils tuent juste des civils', s'est indignée une habitante du quartier.
L'Ukraine a assuré que la Russie menait ces frappes massives en désespoir de cause face aux récents revers sur plusieurs fronts.
Céréales
Sur le front diplomatique, l'ONU a appelé lundi à prolonger d'un an l'accord sur les exportations de céréales ukrainiennes. Celui-ci arrive à échéance le 19 novembre après quatre mois de fonctionnement.
Lors d'une conférence de presse à Genève, Martin Griffiths, un des hauts responsables onusiens participant à ces négociations, s'est dit 'raisonnablement confiant' quant au fait que l'accord serait renouvelé. 'Nous aimerions qu'il soit renouvelé et peut-être même étendu pour inclure plus d'engrais', a-t-il déclaré, alors qu'il était interrogé sur les négociations.
M. Griffiths a indiqué que l'accord était en vigueur jusqu'au 22 novembre mais la porte-parole de l'ONU en charge du dossier, Ismini Palla, a par la suite précisé à l'AFP qu'il 'est initialement prévu pour une durée de 120 jours, ce qui l'amènerait au 19 novembre'.
'L'accord sera automatiquement prolongé pour la même période, sauf si l'une des parties notifie à l'autre son intention d'y mettre fin ou de le modifier', a-t-elle précisé.
Réfugiés
L'Union européenne a pour sa part prolongé 'au moins jusqu'en mars 2024' la protection temporaire accordée aux réfugiés ukrainiens en raison de la guerre déclenchée par la Russie. La commissaire aux Affaires intérieures Ylva Johansson a précisé que 4,2 millions d'Ukrainiens étaient actuellement concernés par ce statut.
/ATS