Dix ans après les attentats commis par l'extrémiste de droite Anders Behring Breivik, la Norvège s'est engagée jeudi à faire bloc contre la haine qui a tué 77 innocents le 22 juillet 2011. Pour nombre d'observateurs, cette idéologie reste bien présente dans le pays.
'On ne peut pas laisser la haine sans réponse', a déclaré la Première ministre, Erna Solberg, lors d'un premier hommage près du siège du gouvernement à Oslo.
C'est là que Breivik avait fait exploser une puissante bombe de 950 kg dix ans plus tôt, tuant huit personnes. Déguisé en policier, l'extrémiste alors âgé de 32 ans avait ensuite ouvert le feu sur un rassemblement de la Jeunesse travailliste (AUF) sur l'île d'Utøya, faisant 69 autres victimes. Des adolescents pour la plupart.
Plusieurs cérémonies étaient prévues dans la journée à Oslo, Utøya et partout dans le royaume pour commémorer ce qui reste l'attaque la plus sanglante perpétrée sur le sol norvégien depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Mémorial pas prêt
Décevant les espoirs qu'il soit prêt pour le 10e anniversaire, le mémorial national pour les victimes de Breivik, sur la berge du lac Tyrifjorden où baigne Utøya, n'est, lui, toujours pas terminé. La faute au Covid mais aussi à des litiges répétés avec le voisinage.
S'exprimant devant des rescapés et des familles des victimes, Mme Solberg a souligné que beaucoup avait été fait depuis dix ans en matière de sécurité et de lutte contre toutes les formes d'extrémisme.
'La parade la plus importante, on doit la construire en chacun d'entre nous', a dit la dirigeante conservatrice. 'Pour fortifier un rempart contre l'intolérance et les discours de haine'.
'Racisme et extrémisme toujours là'
Nombre de rescapés de la tuerie d'Utøya estiment qu'une décennie plus tard, la Norvège n'a toujours pas fait le procès de l'idéologie d'extrême droite qui animait Breivik.
'Le racisme et l'extrémisme de droite mortifères sont toujours bien vivants parmi nous', a aussi souligné Astrid Eide Hoem, qui avait échappé au carnage en se cachant dans un escarpement et qui est devenue l'an dernier cheffe d'AUF.
'Ils vivent sur internet, ils vivent autour de la table à manger, ils vivent chez beaucoup (de personnalités, ndlr) très écoutées', a-t-elle fait valoir. 'C'est maintenant, une fois pour toutes, que nous devons affirmer que nous n'acceptons pas le racisme, que nous n'acceptons pas la haine'.
Premier ministre au moment des attaques, Jens Stoltenberg, aujourd'hui patron de l'Otan, fera lui aussi un discours dans la cathédrale d'Oslo. Peu après le drame, il avait marqué les esprits en promettant d'y répondre avec 'plus de démocratie' et 'plus d'humanité'.
Emules jusqu'en Nouvelle-Zélande
Condamné en 2012 à 21 ans de prison, peine susceptible d'être prolongée indéfiniment, Breivik passera vraisemblablement le reste de ses jours derrière les barreaux. Mais il a fait des émules: son ombre plane sur plusieurs attentats, notamment ceux qui ont ciblé des mosquées à Christchurch (Nouvelle-Zélande) en 2019, faisant 51 morts.
'Les idées d'extrême droite qui ont inspiré l'attaque sont toujours une force motrice pour les extrémistes de droite aux niveaux national et international', ont mis en garde les services de renseignement norvégiens (PST) cette semaine.
Mardi, deux jours seulement avant l'anniversaire, un mémorial en hommage à la première victime mortelle d'un acte raciste en Norvège, Benjamin Hermansen, tué par des néo-nazis en 2001, a été vandalisée avec l'inscription 'Breivik avait raison'. Erna Solberg s'est dite 'atterrée et furieuse'.
Séquelles à long terme
Malgré le passage du temps, les plaies restent béantes. Selon une étude récemment publiée par le Centre national sur le stress et les violences traumatiques (NKVTS), un tiers des rescapés d'Utøya souffraient toujours l'an dernier de troubles importants: stress post-traumatique, angoisse, dépression, maux de tête...
'C'est clair que quand on a vécu une telle chose, on ne redevient pas la personne qu'on était avant', a témoigné Astrid Eide Hoem auprès de l'AFP. 'J'ai du mal à dormir, j'ai peur. Et je crois que je devrai vivre avec ça toute ma vie'.
Pour ne rien arranger, beaucoup de survivants reçoivent encore menaces et messages haineux. 'Je sais que quelqu'un a essayé de me tuer à cause de mes convictions', dit l'une d'entre eux, Elin L'Estrange. 'Du coup, si quelqu'un aujourd'hui me dit qu'il veut ma mort, je le prends très au sérieux même si cela ne l'est pas forcément'.
/ATS