Les opérations de dépouillement ont débuté samedi soir au Nigeria, qui élit le président du pays le plus peuplé d'Afrique lors d'un scrutin serré entre trois favoris. Mais le vote continuait dans de nombreux endroits du fait de retards et d'incidents isolés.
Après deux mandats marqués par une explosion de l'insécurité et de la pauvreté dans ce pays où 60% de la population a moins de 25 ans, le président Muhammadu Buhari, 80 ans, se retire comme le veut la Constitution.
Et pour la première fois depuis le retour à la démocratie en 1999, la popularité d'un outsider vient bousculer la prédominance des deux principaux partis, et le Nigeria pourrait connaître une présidentielle à deux tours.
'Un! Deux! Trois!', comptaient à voix haute les électeurs d'un bureau de vote à Port Harcourt (sud-est) en même temps que les agents électoraux dépouillaient les premiers bulletins.
S'assurer que le scrutin est transparent
Juliette Ogbonda, une réceptionniste de 30 ans, fait partie des nombreux électeurs qui ont décidé de rester après le vote: 'Je veux m'assurer que cette élection est transparente, libre et juste'.
Plus de 87 millions d'électeurs étaient appelés dans 176'000 bureaux de vote à choisir un président parmi 18 candidats, ainsi que des députés et sénateurs.
A 14h30, heure officielle de fermeture des bureaux, les premiers dépouillements ont commencé à Lagos (sud-est) ou encore à Abuja (centre) où le vote s'est déroulé globalement dans le calme, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Retards, problèmes techniques
Mais en fin d'après-midi, le scrutin se poursuivait dans plusieurs bureaux à travers le pays comme à Anambra (sud-est) ou Kano (nord), où les électeurs ont commencé à voter bien après 08h30 (heure d'ouverture officielle), principalement à cause de retards dans le déploiement du matériel ou des défaillances techniques.
'Ici, le vote n'a pas commencé avant midi, soit-disant parce que leur machine ne fonctionnait pas' se lamente Blessing Mbanefo, qui fait la queue pendant de longues heures devant un bureau de vote à Akwa (sud-est). Mais 'je suis prête à dormir ici s'il le faut, je suis venue pour voter et je le ferai', dit cette étudiante de 21 ans.
C'est la première fois que des nouvelles technologies sont utilisées à l'échelle nationale. L'identification des électeurs par reconnaissance faciale et digitale devait limiter les fraudes qui ont entaché les scrutins précédents, tout comme le transfert électronique des résultats.
Incidents isolés
Des incidents isolés, avec des tentatives d'intimidation et des attaques de voyous dans quelques bureaux, notamment à Lagos, ont été rapportés par la Commission électorale (Inec), qui affirmait cependant que le processus électoral se poursuivait.
Dans la matinée, le candidat du parti au pouvoir (APC) Bola Tinubu, 70 ans, a voté dans son fief de Lagos où, vêtu d'un caftan bleu, il a été accueilli par une foule compacte.
L'ex-gouverneur (1999-2007) est surnommé le 'parrain' du fait de son influence politique. Yorouba de confession musulmane, il affirme être le seul à pouvoir redresser le Nigeria et a déjà prévenu: cette fois, 'c'est mon tour' de gouverner.
Rien n'est joué
Mais rien n'est joué face à ses deux principaux adversaires. A 76 ans, l'ancien vice-président Atiku Abubakar, de l'opposition (PDP, au pouvoir de 1999 à 2015), briguera pour la sixième fois la présidence.
Originaire du nord et de confession musulmane, il espère y rafler de nombreux votes. Après avoir voté à Yola (nord-est), le candidat - qui en 2019 avait contesté sa défaite face au président Buhari - a déclaré: 'cette élection est plus crédible que les précédentes'.
L'outsider est l'ex-gouverneur d'Anambra (sud-est) Peter Obi, chrétien de 61 ans, soutenu par le petit Parti travailliste (LP), et très populaire auprès de la jeunesse et dans sa région.
'Si cette élection est libre et crédible, alors je pense que je vais gagner', a-t-il déclaré à l'AFP après avoir voté dans son village natal, Amatutu.
Scrutin crucial
Ce scrutin est crucial. Le Nigeria - 216 millions d'habitants - devrait devenir en 2050 le troisième pays le plus peuplé au monde, tandis que l'Afrique de l'Ouest est menacée par un fort recul démocratique et la propagation de violences djihadistes.
La première économie du continent est devenue une puissance culturelle mondiale, grâce notamment à l'Afrobeats, genre musical qui enflamme la planète avec des stars comme Burna Boy et Wizkid.
Mais le futur président héritera surtout d'une myriade de problèmes: des violences criminelles et djihadistes dans le nord et le centre, une agitation séparatiste dans le sud-est, une inflation galopante, un appauvrissement généralisé. Pour ne rien arranger, de récentes pénuries d'essence et de billets de banque ont provoqué des émeutes.
La participation, faible lors des scrutins précédents (33% en 2019) était toujours inconnue en fin d'après-midi. Les résultats doivent être annoncés dans les 14 jours, mais la Commission a promis de les rendre publics le plus rapidement possible.
/ATS