Au moins 45 personnes ont été tuées et 33 ont été blessées dans un double attentat-suicide. Les attaques ont été perpétrées vendredi par deux femmes sur un marché du nord-est du Nigeria.
'Selon nos dernières informations, nous avons 45 morts et 33 blessés dans le double attentat suicide à Madagali', a déclaré Sa'ad Bello, un responsable du service national des urgences (Nema) de l'Etat d'Adamawa. Un précédent bilan faisait état de 30 morts.
'Les deux kamikazes se faisant passer pour des clientes ont déclenché leurs ceintures explosives', a déclaré le représentant de la municipalité de Madagali, Yusuf Muhammad.
Ce double attentat n'a pas été revendiqué dans l'immédiat, mais le procédé utilisé est celui du groupe djihadiste nigérian Boko Haram. Ce dernier a souvent eu recours à des femmes et jeunes filles pour perpétrer des attaques contre la population.
Rôle des femmes
Dans un rapport publié au début du mois de décembre, le centre d'analyses International Crisis Group avait alerté le gouvernement nigérian sur le rôle actif des femmes dans ce conflit. 'Les femmes ne sont pas seulement victimes mais aussi actrices dans cette guerre', pouvait-on lire dans le rapport intitulé 'Nigeria: les femmes et l'insurrection de Boko Haram'.
Après sept ans de guerre, 'les hommes ont été tués de manière disproportionnée', souligne le rapport, et les femmes, kidnappées ou qui ont choisi de rejoindre le groupe djihadiste par conviction, sont régulièrement utilisées comme bombes humaines depuis près de deux ans par la faction du groupe dirigé par Abubakar Shekau.
L'organisation Etat islamique (EI), à laquelle Boko Haram avait prêté allégeance en mars 2015, a désigné au début du mois d'août un nouveau chef pour représenter le califat en Afrique de l'Ouest, en la personne d'Abu Mosab Al Barnaoui.
Fils du fondateur de la secte salafiste extrémiste, Al Barnaoui s'est retranché avec ses alliés à la frontière du Niger, d'où ils continuent à mener des raids contre l'armée nigériane et les forces de sécurité. Il reproche notamment à Shekau ses 'dérives autoritaires' et de perpétrer des tueries sanglantes contre les civils musulmans.
Recrudescence inquiétante
Le président du Nigeria, Muhammadu Buhari, a condamné le double attentat et s'est engagé à mettre 'fin à ces pertes insensées de vies innocentes'. 'Cette dernière attaque est à l'évidence un acte de désespoir, mais les militaires nigérians ne seront ni détournés (de leurs objectifs) ni amadoués', a-t-il déclaré dans un communiqué.
L'attentat est un nouveau coup dur pour le président Buhari, qui avait affirmé cette semaine que la situation était 'sous contrôle'. L'armée 'est désormais entrée dans la forêt de Sambisa et en ce qui concerne la présence de Boko Haram dans la région du Lac Tchad, je pense qu'ils sont finis', avait-il déclaré avec fierté.
Mais le nord-est du Nigeria connaît une recrudescence des attaques ces dernières semaines. Habituellement plus nombreuses à la fin de la saison des pluies, elles paraissent cependant, cette année, particulièrement inquiétantes. 'Le rythme et l'effectivité de l'approvisionnement en armes et en matériel logistique s'améliorent grandement depuis plusieurs semaines', analyse Yan St-Pierre, directeur du Modern Security Consulting Group.
Pour le consultant antiterroriste, cela s'explique notamment par la pression sur l'Etat islamique dans le nord de la Libye, dans la région de Syrte, qui force 'un regroupement des ressources du groupe dans le Sud' jusqu'à la bande sahélienne, avec une multiplication des convois et des bases dans la région.
Changer d'approche
Boko Haram, secte salafiste extrémiste transformée en mouvement djihadiste à la mort de son fondateur Mohammed Yusuf, a fait plus de 20'000 morts et 2,6 millions de déplacés dans le nord-est du Nigeria depuis 2009. L'année dernière, le gouvernement nigérian avait déjà annoncé que la secte djihadiste était 'techniquement vaincue'.
'L'armée nigériane, qui adopte une stratégie entièrement militaire depuis sept ans, doit changer son approche si elle veut remporter cette guerre', a conclu M. St-Pierre.
/ATS