L'armée israélienne a effectué mercredi dans le plus grand hôpital de Gaza une opération contre ce qu'elle présente comme une base du Hamas. Cette incursion a suscité de vives inquiétudes à l'international sur le sort de milliers des patients et civils pris au piège.
Sortant du silence pour la première fois depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, le Conseil de sécurité de l'ONU a appelé mercredi à des 'pauses et des couloirs humanitaires' dans la bande de Gaza.
L'armée accuse le Hamas palestinien d'utiliser l'hôpital al-Chifa comme base militaire, le site représentant un objectif majeur dans sa guerre contre le mouvement islamiste qui contrôle la bande de Gaza. Un journaliste collaborant avec l'AFP a vu l'armée israélienne se repositionner autour de l'établissement en fin d'après-midi.
L'armée israélienne a dit mener depuis mercredi matin une 'opération ciblée' dans le complexe hospitalier où se trouvent, selon l'ONU, environ 2300 personnes, dont des patients, des soignants et des déplacés. Contactée par l'AFP, elle n'a pas commenté dans l'immédiat.
Femmes et enfants en pleurs fouillés
Tôt mercredi, des dizaines de soldats israéliens, certains encagoulés et tirant en l'air, ont fait irruption dans l'hôpital, selon un journaliste collaborant avec l'AFP sur place.
'Tous les hommes de 16 ans et plus, levez les mains en l'air et sortez des bâtiments vers la cour intérieure pour vous rendre', ont-ils crié en arabe.
Des soldats ont aussi fouillé des femmes et des enfants en pleurs, d'après le journaliste sur place. Dans les couloirs de l'hôpital, ils ont parfois tiré en l'air en allant de pièce en pièce.
Découverte d'armes démentie
Mercredi soir, les Israéliens ont assuré avoir trouvé 'des munitions, des armes et des équipements militaires' du Hamas dans l'hôpital al-Chifa. Elle a publié des images de ce qu'elle affirme être des armes, des grenades et d'autres équipements découverts à al-Chifa. L'AFP n'a pas été en mesure de vérifier de manière indépendante ces affirmations.
Elle 'n'a trouvé ni armes ni équipement' militaire dans l'hôpital al-Chifa, selon le ministère de la Santé du Hamas, qui assure 'ne pas autoriser' la présence d'armes dans ses établissements.
'Lorsque les soldats sont entrés dans le complexe hospitalier, ils ont affronté un certain nombre de terroristes et les ont tués', affirme aussi l'armée. Selon cette dernière, des civils ont été évacués de l'établissement mais 'il y a encore beaucoup de gens à l'intérieur'.
Tollé international
Le raid sur l'hôpital al-Chifa a suscité mercredi des condamnations à l'international et des appels pressants pour protéger les civils palestiniens.
Washington n'a pas 'donné de feu vert aux opérations autour de l'hôpital al-Chifa', a affirmé le porte-parole du Conseil de sécurité nationale. 'Nous avons toujours été très clairs avec nos partenaires israéliens sur l'importance de minimiser les pertes civiles', a dit John Kirby.
La veille, il avait corroboré les affirmations de Tel Aviv sur une utilisation d'hôpitaux de Gaza à des fins militaires, dont al-Chifa, des déclarations qualifiées par le Hamas de 'feu vert' à Israël pour 'commettre de nouveaux massacres'.
Le président français Emmanuel Macron a lui condamné depuis Berne 'avec la plus grande fermeté' les bombardements d'infrastructures civiles. Le Quai d'Orsay a estimé que la population palestinienne n'avait 'pas à payer pour les crimes du Hamas'.
Israël, 'Etat terroriste'
De son côté, le président turc Recep Tayyip Erdogan a qualifié Israël d''Etat terroriste', dénonçant le coût en vies humaines des bombardements israéliens. Le Qatar a réclamé 'une enquête internationale' sur les raids israéliens dans les hôpitaux, qualifiant l'opération dans celui al-Chifa de 'crime de guerre'.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, dont les services n'ont pas été capables de prévoir l'attaque du Hamas le 7 octobre, a lui averti qu'il n'y aurait 'aucun endroit à Gaza' qu'Israël 'n'atteindra pas, aucune cachette, aucun refuge'.
Hôpitaux hors service
Les hôpitaux du nord de la bande de Gaza, transformés en camps pour des milliers de Palestiniens fuyant les combats, ne fonctionnent plus pour la plupart, privés d'électricité et faute de carburant pour alimenter les générateurs.
Malgré une première livraison d'essence mercredi via l'Egypte, l'ONU a averti que ses opérations d'aide à Gaza étaient 'au bord de l'effondrement' et le chef des Affaires humanitaires des Nations unies a exhorté mercredi que cesse 'le carnage à Gaza'.
Au milieu des décombres de sa maison frappée mardi soir à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, Alia Abu Jazar, lance un cri de désespoir:
'J'ai 18 ans, je suis une lycéenne avec des rêves. Je rêvais de devenir avocate, mais ils ont détruit toute notre maison. Mes livres et tout mon rêve ont été détruits. Pourquoi, Dieu ? Pourquoi ?'
Nouveau bilan: 11'500 morts
Depuis l'attaque du 7 octobre, Israël a lancé des bombardements sanglants et continus sur le petit territoire palestinien assiégé et a entamé une offensive terrestre le 27 octobre.
Le gouvernement du Hamas a annoncé mercredi que 11'500 Palestiniens avaient été tués dans les bombardements israéliens. Parmi les morts recensés à ce jour figurent 4710 enfants et 3160 femmes, a-t-il détaillé. En outre, 29'800 personnes ont été blessées.
Le ministère de la Santé assure de son côté que des dizaines de corps jonchent les rues du nord de la bande de Gaza et qu'il est impossible de les recenser car l'armée israélienne vise les ambulances et les soignants tentant de les approcher.
Guerre contre l'existence des Palestiniens'
La guerre à Gaza est 'une guerre contre l'existence des Palestiniens', a tonné le président palestinien Mahmoud Abbas.
Dans le centre de l'enclave, une nouvelle frappe a visé mercredi un bâtiment à Deir al-Balah. 'Nous avons entendu une forte explosion, nous nous sommes précipités et nous n'avons trouvé que des restes de femmes et d'enfants', a raconté à l'AFP un habitant de la ville, Awni al-Douggi.
L'armée jordanienne a pour sa part annoncé que sept cadres de son hôpital de campagne dans la bande de Gaza avaient été blessés lors d'un bombardement israélien alors qu'ils tentaient d'aider des blessés.
Population privée de tout
Dans le territoire, soumis depuis le 9 octobre par Israël à un siège total, la population est privée de livraisons d'eau, d'électricité, de nourriture et de médicaments.
L'aide internationale y arrive au compte-gouttes depuis l'Egypte. Mercredi, un peu plus de 23'000 litres de carburant sont entrés depuis l'Egypte, pour la première fois depuis le début de la guerre.
A la demande d'Israël, ce carburant servira 'seulement pour le transport de l'aide' et non 'pour faire fonctionner l'approvisionnement en eau ou les hôpitaux', selon l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa).
Ce carburant n'est 'pas du tout suffisant', précise l'Unrwa, estimant qu'il en faudrait 160'000 litres par jour pour ses opérations humanitaires de base.
Communications suspendues
Par ailleurs, la compagnie palestinienne des télécommunications Paltel a annoncé 'une suspension de tous les services de télécommunications sous quelques heures', faute de carburant.
Depuis le 5 novembre, environ 200'000 Palestiniens, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha), ont fui le nord de la bande de Gaza, transformé en champ de ruines, après l'ouverture par Israël de 'couloirs' d'évacuation.
D'après l'Ocha, 1,65 des 2,4 millions d'habitants du territoire ont été déplacés par la guerre. Une grande partie d'entre eux se sont réfugiés dans le sud, près de la frontière égyptienne, mais plusieurs centaines de milliers d'autres sont restés au milieu des combats dans le nord.
/ATS