Après la Suède, l'extrême droite a fait une nouvelle percée dimanche en Europe, en remportant les élections législatives italiennes. Pour la première fois depuis 1945, un parti post-fasciste se retrouve aux portes du pouvoir
Après la Suède, l'extrême droite a fait une nouvelle percée dimanche en Europe, en remportant les élections législatives italiennes. Pour la première fois depuis 1945, un parti post-fasciste se retrouve aux portes du pouvoirEn restant dans l'opposition à tous les gouvernements qui se sont succédé depuis les législatives de 2018, Fratelli d'Italia (FdI) s'est imposé comme la principale alternative, passant de 4,3% à un quart des voix, selon les premières projections, devenant ainsi le premier parti de la péninsule italienne. « Les Italiens ont envoyé un message clair en faveur d'un gouvernement de droite dirigé par Fratelli d'Italia », a lancé dans la nuit de dimanche à lundi la patronne de l'extrême droite italienne Giorgia Meloni, qui a revendiqué la victoire et veut devenir première ministre. « Nous gouvernerons pour tous » les Italiens, a-t-elle promis. « Nous le ferons dans l'objectif d'unir le peuple », a-t-elle ajouté dans un discours de rassemblement et d'apaisement en reconnaissant que la campagne électorale avait été « violente et agressive ».
Majorité absolue
La coalition qu'elle forme avec l'autre parti eurosceptique d'extrême droite, la Ligue de Matteo Salvini, et Forza Italia, le parti conservateur de Silvio Berlusconi, récolterait environ 43% des suffrages, ce qui lui assure la majorité absolue des sièges aussi bien à la chambre des députés qu'au Sénat. La formation fondée à la fin 2012 par Giorgia Meloni avec des dissidents du berlusconisme devance le parti démocrate (PD, gauche) d'Enrico Letta, qui n'a pas réussi à susciter un vote utile pour faire barrage à l'extrême droite et passe sous la barre des 20%, dans un contexte de faible participation (64,07%, contre 73,86% en 2018). La vice-présidente du PD Debora Seracchiani a reconnu la « victoire de la droite emmenée par Giorgia Meloni », ce qui marque « une soirée triste pour le pays ». Ce séisme intervient deux semaines après celui qui, en Suède, a vu la victoire d'un bloc conservateur comprenant les Démocrates de Suède (SD), parti issu de la mouvance néonazie qui a réalisé une forte percée, devenant la première formation de droite du pays nordique.
Félicitations d'Orban
Dans ce qui a été perçu à Rome comme un avertissement sans frais, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avait rappelé jeudi que l'UE disposait « d'instruments » pour sanctionner les Etats membres portant atteinte à l'Etat de droit et à ses valeurs communes. « Les Italiens ont offert une leçon d'humilité à l'Union européenne qui, par la voix de Mme von der Leyen, prétendait leur dicter leur vote », a cinglé sur Twitter le président du Rassemblement national français Jordan Bardella. Bête noire de Bruxelles, le premier ministre hongrois Viktor Orban et son homologue polonais Mateusz Morawiecki ont, eux aussi, adressé leurs « félicitations » à Mme Meloni. Fratelli d'Italia doit son succès autant au vent de « dégagisme » qui souffle sur la péninsule qu'au charisme de sa dirigeante. Cette Romaine de 45 ans qui, jeune militante, disait admirer Mussolini, est parvenue à dédiaboliser son image et rassembler sur son nom les peurs et les colères de millions d'Italiens face à la flambée des prix, au chômage, aux menaces de récession ou à l'incurie des services publics.
Courte espérance de vie pronostiquée
Le prochain gouvernement devra notamment gérer la crise causée par l'inflation galopante, l'Italie croulant déjà sous une dette représentant 150% du PIB, le ratio le plus élevé de la zone euro derrière la Grèce. Dans ce pays à l'instabilité gouvernementale chronique, les experts s'accordent déjà sur la courte espérance de vie de la coalition victorieuse, un mariage de raison entre trois alliés aux ambitions concurrentes.Pour Mme Meloni, « le défi sera de transformer son succès électoral en leadership de gouvernement qui puisse s'inscrire dans la durée. C'est cela la grande inconnue », a estimé dimanche soir Lorenzo De Sio, professeur de sciences politiques à l'université Luiss de Rome.Mme Meloni, sans expérience gouvernementale à part un passage éphémère au ministère de la jeunesse (2008-2011), aura fort à faire pour gérer ses encombrants alliés, bien plus expérimentés : Silvio Berlusconi a été plusieurs fois chef de gouvernement et Matteo Salvini, ministre de l'intérieur et vice-premier ministre.Dans le dossier ukrainien, l'Europe et les alliés de l'Italie, membre de l'OTAN, scruteront également la répartition des portefeuilles entre les trois partis. Si Giorgia Meloni est atlantiste et soutient les sanctions frappant Moscou, M. Salvini s'y oppose. /ATS-gtr