L'ancien patron du football mondial Sepp Blatter a été entendu comme témoin dans l'enquête française pour corruption portant sur l'attribution controversée du Mondial-2022 au Qatar, dossier qui avait valu une garde à vue à son ancien conseiller Michel Platini.
Cette audition par les policiers français de l'ex-président de la Fifa (1998-2015), âgé de 85 ans, s'est déroulée jeudi et vendredi à Zurich, a appris l'AFP auprès de la police française et d'une source judiciaire, confirmant une information du quotidien français Le Monde.
Outre ce dossier, des enquêtes sont en cours aux Etats-Unis et en Suisse, sur cette victoire surprise et sur le fil du Qatar en 2010 alors que les Etats-Unis apparaissaient comme les grands favoris. En butte aux soupçons depuis sa victoire, le Qatar réfute toute corruption.
Le vote en faveur du Qatar de Michel Platini, alors patron de l'UEFA, avait contribué à emporter la décision, par quatorze voix contre huit pour les Etats-Unis. Ancien proche de Sepp Blatter, devenu son rival lorsqu'il avait voulu lui succéder à la tête de la Fifa, l'ex-légende du football français avait été placée en garde à vue en juin 2019, sans être inculpé.
Derrière Michel Platini et son vote surprise, les relations de l'émirat gazier avec la France sous la présidence de Sarkozy constituent la toile de fond des investigations menées pour 'corruption active et passive', 'recel' et 'blanchiment'.
Les liens entre Sarkozy et Platini
Les enquêteurs s'intéressent particulièrement à un déjeuner le 23 novembre 2010, qui aurait réuni le président français de l'époque, Nicolas Sarkozy, Michel Platini et deux hauts dirigeants qataris, le prince héritier Tamim ben Hamad al Thani - devenu émir en juin 2013 - et Hamad ben Jassem al Thani, alors premier ministre.
Neuf jours plus tard, le 2 décembre 2010, le pays du Golfe était désigné pour accueillir la Coupe du monde en 2022. Les enquêteurs se demandent si Michel Platini n'a pas voté en faveur du Qatar à la demande de Nicolas Sarkozy, ce que l'ancien joueur réfute.
Et fin 2011, le fils de l'ancien capitaine des Bleus, Laurent Platini, avait été recruté comme directeur général provisoire de l'équipementier qatari Burrda Sport, filiale de QSI.
La justice se demande si cette embauche constituait une contrepartie au vote de son père.
Le média d'investigation français Mediapart avait par ailleurs révélé fin 2020 une note datée du 28 avril 2011 sur la vente du PSG au fonds souverain Qatar Sports Investments (QSI), évoquant une répartition prévue du capital. Le document, saisi en juin 2019 dans les locaux de Colony Capital, l'ancien propriétaire du club, mentionne aussi le montant d'un salaire devant être versé à Laurent Platini.
Colony Capital
Six mois après le déjeuner au palais présidentiel de l'Elysée, en mai 2011, le Paris Saint-Germain avait été racheté par le fonds QSI pour 76 millions d'euros à Colony Capital. Le représentant en France de ce fonds d'investissement américain était Sébastien Bazin, homme d'affaires proche de Nicolas Sarkozy.
Michel Platini a assuré dans un récent entretien au Monde avoir décidé seul de privilégier le Qatar, prenant sa décision 'très tôt', sans aucune influence de Nicolas Sarkozy. 'Les décisions économiques et le business du Qatar me sont totalement étrangers' et 'mon fils est suffisamment grand, autonome et compétent pour construire sa carrière sans son père ou ses interventions', a-t-il dit.
Sophie Dion, conseillère technique chargée des sports du président Sarkozy, avait été également placée en garde à vue en 2019, mais n'a pas non plus été mise en examen. L'ex-secrétaire général de l'Elysée Claude Guéant, lui, avait été entendu en audition libre.
Autre axe d'enquête, un contrat conclu avant l'attribution du Mondial, qui accordait les droits de diffusion TV des Mondiaux 2018 à 2022 à la chaîne qatarie Al-Jazeera contre 300 millions de dollars, avec un bonus de 100 millions de dollars à la Fifa en cas d'octroi au Qatar.
/ATS