La prostitution ne doit plus être considérée en Suisse comme contraire aux moeurs. Il ne faut pas non plus l'interdire, selon un rapport de l'Office fédéral des migrations (ODM) publié lundi. Les experts prônent une meilleure protection des travailleurs du sexe, des femmes pour la plupart. Ils proposent 26 mesures concrètes.
Les femmes actives dans le milieu de l'érotisme travaillent trop souvent dans des conditions précaires, relève le rapport élaboré sous la direction de l'ancienne conseillère d'Etat saint-galloise Kathrin Hilber. Selon les experts, les droits des femmes actives dans ce milieu - les hommes y sont inclus - doivent être renforcés de manière ciblée.
En premier lieu, le statut d'artiste de cabaret doit être supprimé car il donne lieu à de nombreux abus. Le rapport défend une approche "pragmatique et libérale" et considère qu'une interdiction de la prostitution sur le modèle des pays nordiques ne permet pas de mieux protéger les femmes.
En Suède, la loi vise tous les acteurs du système du proxénète jusqu'au client de la prostitution. Une telle pratique risque au contraire de pousser les femmes dans l'illégalité sans aucun filet de protection.
Les experts ont identifié quatre domaines d'action prioritaires: préciser les normes légales existantes, créer de nouveaux organes de coordination cantonaux et fédéraux, intensifier la prévention et renforcer la mise en oeuvre des dispositions.
Parmi les 26 mesures concrètes, les experts proposent en particulier d'autoriser le contrat de prostitution. Aujourd'hui, la prostitution est légale en Suisse, mais dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral considère le contrat de prostitution contraire aux moeurs. Cela a pour conséquence qu'une prostituée qui ne se fait pas payer par un client est quasiment dans l'impossibilité de porter son cas devant la justice.
Parmi les autres propositions figurent le développement de services de conseil, le renforcement et la sensibilisation des autorités d'exécution et la création d'un service national sur la prostitution. Le rapport prône une coordination étroite entre la Confédération, les cantons et les parties concernées.
Le marché du sexe compte aujourd'hui entre 13'000 et 20'000 personnes en Suisse. L'offre dans ce secteur a fortement augmenté ces dix dernières années notamment dans les villes. Ce marché génère annuellement un chiffre d'affaires estimé à 3,2 milliards de francs.