Le ministre de la défense Ueli Maurer reçoit une avalanche de critiques dans la presse romande au lendemain du "non" à l'acquisition du Gripen. Les journaux, qui pointent son attitude maladroite lors de la campagne, dévoilent aussi certains mécanismes ayant influencé le vote des Suisses.
L'échec du Gripen est d'abord celui du conseiller fédéral Ueli Maurer, qui "a multiplié les couacs" dans le dossier d'acquisition des nouveaux avions de combat, soulignent "L'Express", "L'Impartial" et le "Journal du Jura". Le ministre pourrait d'ailleurs en tirer les conséquences l’an prochain après les élections fédérales, ajoutent ces quotidiens.
Même constat du côté de "24 heures", qui juge une remise en question d'ordre général nécessaire pour le ministre de la Défense. Ueli Maurer a été "inconséquent" durant toute la campagne, changeant de stratégie "comme de paire de chaussettes" et "traitant un sujet sérieux avec la désinvolture d'un clown triste".
Les journaux lémaniques s'interrogent aussi sur l'impact du détournement d'avion sur Genève en février dans le rejet de dimanche. Selon "La Tribune de Genève", l'armée, incapable de réagir, s'est ridiculisée dans cet épisode et Ueli Maurer ne s'est pas montré très convaincant par la suite en dénonçant maladroitement les coupes dans le budget militaire.
De l'avis de "La Liberté" également, la campagne en faveur du nouvel avion joue un rôle important dans le rejet de dimanche. Elle "a volé bas, avec des arguments d’un autre temps" susceptibles de ne séduire que dans la Suisse profonde.
L'échec du Gripen s'explique aussi en partie par le climat politique: les cantons qui ont refusé l’initiative de l’UDC "contre l’immigration de masse" ont rejeté le financement de l’avion, ce qui n'est pas forcément une coïncidence. "Des citoyens n’ont pas résisté au petit plaisir jouissif de jeter un obus dans le jardin de l’UDC", souligne le quotidien fribourgeois.
Pour "Le Temps", dire que la campagne a été mauvaise ne va tout simplement "pas assez loin": il s'agit d'un vote du peuple contre Ueli Maurer, personnellement, "une manière, après le 9 février (et l'acceptation de l'initiative de l'UDC contre l'immigration de masse), de se venger de ses conceptions simplistes".
Mais le "non" de dimanche, c'est aussi "le vote d'une Suisse confortable, qui se sent en sécurité, abritée - paradoxalement - derrière le parapluie militaire des pays voisins et de l'Otan", relève le quotidien. L'achat du Gripen n'aurait eu de sens qu'en l'insérant dans une défense européenne plus large, une dimension jamais évoquée par Ueli Maurer, car elle "lui fait horreur".
"Il n’est pas certain" que les maladresses de campagne d'Ueli Maurer expliquent à elles seules ce vote populaire, retient également "L'Agefi". Bien des adeptes d’une défense nationale forte et dissuasive ont toujours plus de doutes sur l’affectation des investissements à consentir, poursuit le quotidien économique. Car "les Suisses ne raisonnent plus en termes de guerre totale".