La Suisse refuse le jugement de la Cour européenne des droits l'homme (CEDH) donnant raison au nationaliste turc Dogu Perinçek. Elle recourt devant la Grande Chambre de la CEDH à Strasbourg. Dogu Perinçek a été condamné en Suisse pour discrimination raciale après avoir qualifié le génocide arménien de "mensonge international".
Le réexamen du cas vise à préciser la marge de manoeuvre dont disposent les autorités suisses. L'affaire concerne l'application de la norme antiraciste inscrite à l'article 261 bis du code pénal, a expliqué l'Office fédéral de la justice (OFJ).
La Suisse a créé cette norme pour combler une lacune de son droit pénal, dans le but d'adhérer à la Convention de l'ONU sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. L'article 261 bis sanctionne notamment celui qui niera, minimisera grossièrement ou cherchera à justifier un génocide ou d'autres crimes contre l'humanité.
En décembre dernier, Dogu Perinçek a obtenu gain de cause à Strasbourg. La Cour européenne a jugé que la Suisse avait violé son droit à la liberté d'expression en le condamnant pour discrimination raciale.
Le président du Parti des travailleurs de Turquie avait nié publiquement à plusieurs reprises l'existence du génocide arménien. Il avait été condamné en mars 2007 par le Tribunal de police de Lausanne à 90 jours-amendes avec sursis et 3000 francs d'amende. Le verdict avait été confirmé aux niveaux cantonal et fédéral, puis Dogu Perinçek avait recouru à Strasbourg.
Selon le jugement du 17 décembre, Dogu Perinçek n'a pas commis d'abus de droit en qualifiant de "mensonge international" l'idée d'un génocide arménien. "Le libre exercice du droit de débattre ouvertement de questions sensibles et susceptibles de déplaire est l'un des aspects fondamentaux de la liberté d'expression", écrivait Strasbourg.
L'Association Suisse-Arménie (ASA) s'est félicitée mardi de la décision de la Confédération. Elle espère que le recours de l'OFJ aura "toute la solidité nécessaire" pour réfuter les arguments de la décision de décembre.
Selon l'ASA, le verdict de Strasbourg comporte "des inexactitudes historiques et conceptuelles". Les preuves du génocide arménien sont "irréfutables" et la "hiérarchisation" des génocides est inacceptable.