EPFL: des antibiotiques pour ralentir le vieillissement
Des scientifiques de l'EPFL ont mis en évidence un mécanisme au sein des mitochondries impliqué dans le vieillissement de l'organisme. A l'aide de simples antibiotiques, ils sont parvenus à augmenter l'espérance de vie de vers nématodes de 60%, selon ces travaux publiés dans la revue "Nature".Pourquoi, au sein d'une population homogène d'une même espèce, certains individus vivent-ils jusqu'à trois fois plus longtemps que d'autres? La question taraude les scientifiques depuis des siècles.L'équipe de Johan Auwerx, directeur du Laboratoire de physiologie intégrative et systémique (LISP) de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), a observé chez des souris un mécanisme déterminant pour la longévité. Le processus se déroule dans les mitochondries, les usines énergétiques de l'organisme, au coeur des cellules.Plusieurs études avaient déjà suggéré leur implication dans le vieillissement. De nouvelles recherches de l'EPFL, menées avec des partenaires des Pays-Bas et des Etats-Unis, ont permis de déterminer précisément les gènes impliqués.250 jours de plusEntre 365 et 900 jours: c'est la variabilité de durée de vie observée au sein d'une population de souris bien connue des chercheurs, nommée BXD, utilisée dans le cadre d'une démarche nommée "real-life genetics". Leur génome, qui reproduit les variations génétiques se développant naturellement au sein d'une population, est très largement décodé.En analysant ces génomes en fonction de la longévité de chaque souris, les scientifiques ont pu mettre en évidence un groupe de trois gènes, situés sur le chromosome 2, dont nul ne pensait jusqu'ici qu'ils jouaient un rôle dans le vieillissement. Or les chiffres montrent qu'une diminution de 50% de l'expression de ces gènes augmente de 250 jours environ l'espérance de vie des souris.De 19 à 30 joursCe constat fait, les chercheurs ont reproduit ces variations chez le ver nématode, très utilisé en laboratoire. "En diminuant artificiellement la fabrication de ces protéines durant la croissance des vers, nous avons significativement augmenté leur longévité", affirme Johan Auwerx, cité dans un communiqué de l'EPFL.L'espérance de vie moyenne de ces vers a ainsi passé de 19 à plus de 30 jours.Divers tests ont alors permis d'isoler le point commun à tous les mécanismes impliquant une variation de la longévité. Au centre de l'attention, des protéines nommées MRP ("mitochondrial ribosomal proteins"), dont la présence est inversement proportionnelle à la longévité.Un stress qui prolonge la vieRestait encore à comprendre pourquoi. Les chercheurs sont parvenus à la conclusion qu'un manque de cette protéine à certains moments clés du développement créait au sein des mitochondries une réaction de stress particulière, nommée "unfolded protein response" (UPR).La force de cette réponse se trouve être directement proportionnelle à la durée de vie mais elle se manifeste davantage si le déséquilibre protéinique - soit la diminution des MRP - intervient au jeune âge. "Une telle stimulation à l'âge adulte n'a pas eu d'effets sur la longévité des vers", note Johan Auwerx.Ces effets peuvent être obtenus sans manipulation génétique, car les mitochondries sont sensibles à certains antibiotiques. "Une exposition à certains médicaments disponibles sur le marché suffit à inhiber le fonctionnement de leurs ribosomes et à provoquer la réaction souhaitée", conclut Johan Auwerx.Tout indique que les mécanismes observés et éprouvés chez les vers sont également à l'oeuvre pour les souris. D'autres études seront cependant nécessaires pour confirmer que le vieillissement et ses effets délétères pourront bel et bien être ralentis également chez les mammifères grâce à l'apport d'antibiotiques à des moments précis. /SERVICE