Innovation française, l'hypermarché fête ce week-end ses cinquante ans sur fond de consommation durablement en berne qui rebat les cartes d'un secteur de la distribution confronté à des ménages aux attentes nouvelles et à la montée du e-commerce.
Le 15 juin 1963, Carrefour ouvrait à Sainte-Geneviève-des-Bois, dans la banlieue sud de Paris, le premier hyper, faisant basculer le commerce dans l'ère industrielle en associant de manière inédite un supermarché alimentaire et un vaste assortiment non-alimentaire en libre-service sur une surface d'au moins 2500 m2 et dans les faits de près de 5500 m2.
Les 1936 hypermarchés répartis sur le territoire français, qui réalisent 87 milliards d'euros (107 milliards de francs) de chiffre d'affaires, ont fait le succès des grands groupes de distribution nationaux, Carrefour en tête, mais aussi Casino, Auchan ou encore les coopératives comme Leclerc et Intermarché. Mais, le modèle, dont les premiers signes d'essoufflement remontent à la fin des années 90, est confronté à une remise en cause profonde.
La consommation, traditionnel moteur de la croissance française, connaît une panne durable. Les dépenses de consommation des ménages ont baissé en volume en 2012 malgré la baisse du taux d'épargne, reculant de 0,4%, selon les données de l'Insee. Elles ont toutefois progressé de 1,9% en valeur à 1129,8 milliards d'euros, dont 173,4 milliards pour l'alimentation et les boissons.
Il s'agit du second recul en volume depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale après celui de 1993 (-0,2%). Mais les dépenses stagnent en fait depuis 2007 et les perspectives ne sont pas bonnes.
Surconsommation et gaspillage
La dégradation du pouvoir d'achat devrait connaître une pause au premier semestre mais elle repartira de plus belle en fin d'année quand les nouvelles hausses d'impôts s'ajouteront aux effets de la montée du chômage et de la modération salariale. Autant de vents contraires que la modération de l'inflation ne parviendra pas à contrer.
Symbole de l'accès pour tous à la félicité de la consommation en pleine phase d'expansion, l'hypermarché n'apparaît plus en phase avec ces temps de vaches maigres. "Le gigantisme de l'hyper et l'abondance qu'il met en scène tendent aujourd'hui à être associés à la surconsommation et au gaspillage", relève Philippe Moati, co-président de l'Observatoire société et Consommation (ObSoCo) dans une note consacrée à la crise de l'hypermarché.
Les hypers ont aussi été confrontés à la montée d'offres commerciales visant à répondre à des segments de demandes spécifiques comme le hard discount pour les clients particulièrement sensibles au prix ou les magasins "bio".