Les prothèses de main ne permettent pas de retrouver toutes les fonctions perdues par l’amputation. Mais en combinant le signal électrique des muscles de l’avant-bras avec le suivi du regard, des améliorations sont possibles, selon une étude.
Les 34 muscles et 20 articulations de la main permettent de réaliser des mouvements extrêmement précis et complexes. Les prothèses de main myoélectriques, qui fonctionnent avec l’enregistrement des signaux électriques musculaires sur la peau, permettent aux personnes ayant perdu une main de retrouver certaines fonctions.
Toutefois, leur dextérité reste souvent limitée et la variabilité du signal électrique de l’avant-bras péjore leur fiabilité, a indiqué mardi le Fonds national suisse (FNS) dans un communiqué.
Henning Müller, professeur en informatique de gestion à la HES-SO de Sierre (VS) et professeur titulaire à la Faculté de médecine de l’Université de Genève, a eu l'idée de combiner les données issues du signal myoélectrique avec d’autres sources d’information.
Tirer profit du regard
'Nos yeux bougent sans arrêt, par saccades. Mais lorsqu’on s’apprête à prendre un objet, ils se fixent dessus durant quelques dixièmes de seconde. C’est pourquoi le suivi du regard donne des informations précieuses pour détecter d’une part l’objet qu’une personne a l’intention d’attraper mais aussi le geste à effectuer', explique le chercheur, cité dans le communiqué.
De plus, contrairement aux muscles du membre amputé qui s’atrophient et modifient le signal myoélectrique, le regard reste intact. La vision par ordinateur – soit la reconnaissance par ordinateur des objets dans le champ de vision – peut également être mise à profit, conjointement au suivi du regard, pour automatiser en partie les prothèses de main.
Pour associer les gestes courants de la main aux informations issues des muscles du membre amputé et à ces nouvelles sources d’information, le chercheur a soumis 45 personnes – 15 amputés de la main et 30 sujets témoins – à un protocole identique.
Chaque participant était équipé de 12 électrodes sur l’avant-bras, de capteurs d’accélération sur le bras et sur la tête et de lunettes de suivi du regard pendant qu’il exécutait certains mouvements. Il s’agissait de 10 mouvements courants de saisie et de manipulation d’objets variés, par exemple s'emparer d’un crayon ou d'une fourchette, ou encore jouer avec une balle.
Base de données en libre accès
Grâce à la modélisation informatique de ces gestes, Henning Müller a pu constituer une nouvelle base de données multimodale des mouvements de la main. Elle contient non seulement les données issues des électrodes mais aussi des enregistrements de l’accélération de l’avant-bras, du suivi du regard, de la vision par ordinateur et de la mesure des mouvements de la tête.
Cette base de données ouvre des perspectives pour la fabrication de prothèses de main myoélectriques intelligentes. Elle est mise à la disposition de la communauté scientifique en libre accès. Plus de 1000 groupes de recherche du monde entier ont déjà accédé aux anciennes versions élaborées lors de précédents projets.
Cette étude pluridisciplinaire s’inscrit dans le cadre d’un programme Sinergia du FNS entre la HES-SO, l’Hôpital universitaire de Zurich et l'Institut italien de technologie à Milan. Un travail substantiel a consisté à acquérir des données sur des volontaires amputés de la main, en coopération avec l’Université de Padoue (I). Ces travaux sont publiés dans la revue Nature Scientific Data.
/ATS