A la fin de ce mois, les détenteurs de porcs devront avoir fait leur choix: poursuivre l'exploitation conformément aux nouvelles normes de protection des animaux ou abandonner. Mais pour beaucoup, c'est surtout le prix de la viande qui sera décisif.
En 2008, le Parlement a adopté une révision de la loi sur la protection des animaux. Les éleveurs de porcs ont eu dix ans pour se mettre aux normes. Mais contrairement aux éleveurs de chèvres et de moutons, ils ont fait face à des travaux d'envergure: la nouvelle ordonnance les obligeait à revoir intégralement les sols de leurs installations.
Les caillebotis intégraux sont ainsi interdits dès le 1er septembre. Cette surface perforée pour permettre l'écoulement des excréments doit être réduite à une toute petite portion de la surface (entre 2% et 5%). En outre, les places par animal doivent être augmentées d'environ un tiers, de 0,6 mètre carré à 0,9 pour un porc adulte engraissé pesant entre 80 et 110 kg.
Ces adaptations nécessitent pour un producteur des investissements de plusieurs centaines de milliers de francs, voire un million pour du neuf, selon René Eicher, président de la section romande de la Fédération suisse des éleveurs et producteurs de porcs (Suisseporcs). Au vu de ces charges, certains engraisseurs ont préféré exploiter leurs anciennes installations jusqu'à la fin du délai. 'On pourra véritablement évaluer l'impact de cette ordonnance en décembre', selon lui.
Plus d'un cinquième pas aux normes
La situation dans le canton de Fribourg illustre bien l'attentisme qui règne dans le milieu de l'engraissement. L'an dernier, le service vétérinaire a contrôlé les 250 exploitations du canton comptant plus de 30 porcs: 54% étaient aux normes, 11% avaient décidé d'arrêter au plus tard au 1er septembre et un bon tiers devait s'adapter ou cesser la production, selon Michel Schmitt, vétérinaire cantonal.
Aujourd'hui, sur les 6000 porcheries en Suisse, 20% sont directement touchées par les nouvelles normes, notamment dans le secteur de l’engraissement, estime Adrian Schütz, directeur adjoint de la Fédération. Anticipant le manque de places disponibles pour les porcelets destinés à l'engraissement, la faîtière a très vite alerté le secteur, estimant qu'il en manquerait 60'000.
Afin d'agir sur le début de la chaîne de production, Suisseporcs a donc appelé dès 2017 les éleveurs à supprimer 7000 truies d'élevage, soit renoncer à 5% de la production de porcs. Les éleveurs ont donc déjà réduit d'un tiers ce nombre et à la fin de ce mois tous les porcelets devraient trouver preneur, selon Adrian Schütz.
La loi du marché
Mais, pour MM. Schütz et Eicher, plus que les nouvelles normes de la Confédération, le principal problème réside dans le marché du porc de moins en moins attractif pour les producteurs. 'Entre 2013 et cette année, ceux-ci ont perdu plus de 90'000 francs de revenu annuel en raison de la baisse du prix de la viande d'environ un franc par kilo', explique le vice-directeur de Suisseporcs.
L'amélioration des performances de production, combinée à une baisse de la consommation de viande de cochon en Suisse (22 kilo par habitant contre 30 il y a 15 ans), a conduit à une surproduction. La filière porcine helvétique couvre 97% des besoins du marché, alors que la Fédération viserait plutôt 92%.
L'appel à réduire la production reste donc d'actualité, martèle M. Schütz, même si 'ce n'est pas agréable à entendre ni pour nos membres, ni pour les marchands de bétail, ni pour les abattoirs'. Le marché se régulera en fonction des prix payés au producteur.
Pas de prolongation
Dans l'immédiat, une chose est sûre: il n'y aura pas de délai supplémentaire pour les exploitants qui ne se seront pas adaptés, assure l’Office fédéral des affaires vétérinaires (OSAV). Le délai de dix ans était amplement suffisant pour se mettre en règle ou rentabiliser les installations qui venaient d’être construites juste avant 2008, indique sa porte-parole Nathalie Rochat.
Les exploitants devront également s'attendre à une surveillance accrue. La Confédération a lancé un Programme de contrôles pour les années 2017 à 2019, afin de passer en revue l'ensemble des exploitations.
/ATS