Le procès du magnat pro-démocratie Jimmy Lai pour 'collusion avec des forces étrangères', durant lequel il risque la prison à vie, s'est ouvert à Hong Kong lundi après des appels de Washington et Londres à sa libération immédiate, rejetés par la Chine.
Le milliardaire britannique, dont c'est la première apparition publique depuis 2021, est arrivé lundi matin au tribunal de Hong Kong vêtu d'un costume, souriant et saluant les membres de sa famille.
Des représentants des consulats américain, britannique, australien et canadien étaient présents dans la salle du tribunal.
M. Lai, 76 ans, est accusé de 'collusion avec des forces étrangères' entre autres atteintes à la sécurité nationale.
Il est emprisonné déjà depuis trois ans en vertu d'une loi radicale sur la sécurité nationale, imposée par Pékin en 2020, un an après les grandes manifestations pro-démocratie.
Le procès, qui doit se dérouler en audience publique au cours des 80 prochains jours, devrait permettre d'évaluer le niveau des libertés civiles à Hong Kong et l'indépendance de la justice vis-à-vis de Pékin.
Un important dispositif de sécurité était déployé autour du tribunal, devant lequel des habitants avaient attendu toute la nuit dans le froid pour espérer y assister.
Parmi eux, Alexandra Wong, une militante plus connue sous le nom de 'Grandma Wong', a crié: 'Soutenez Apple Daily, soutenez Jimmy Lai' en brandissant le drapeau britannique, avant d'être écartée par la police.
'Plus vieux, plus maigre'
Le propriétaire du quotidien Apple Daily, fermé en 2021, est l'une des figures les plus célèbres du mouvement pro-démocratie.
Son journal, sévère critique de Pékin, a soutenu les grandes manifestations pro-démocratie de 2019 et appelé à des sanctions internationales contre les autorités chinoises et locales.
Son cas a suscité la condamnation de la communauté internationale.
'Nous exhortons les autorités de Pékin et de Hong Kong à respecter la liberté de la presse à Hong Kong' et à 'libérer immédiatement Jimmy Lai et toutes les autres personnes emprisonnées pour avoir défendu leurs droits', a déclaré dimanche le porte-parole du département d'Etat américain, Matthew Miller.
De son côté, le chef de diplomatie britannique David Cameron, a déclaré que 'Jimmy Lai a été pris pour cible dans une tentative évidente d'empêcher l'exercice pacifique de ses droits à la liberté d'expression et d'association'.
M. Cameron s'est dit particulièrement préoccupé par 'les poursuites engagées pour des raisons politiques' contre l'ex-patron de presse, appelant les autorités de Hong Kong 'à libérer Jimmy Lai'.
Pékin a qualifié de 'manoeuvre politique flagrante' les réactions américaine et britannique.
'Les remarques des Etats-Unis et du Royaume-Uni sur cette affaire constituent une grave violation de l'esprit de l'Etat de droit et des principes du droit international (...). Elles constituent une manoeuvre politique flagrante', a déclaré lundi Wang Wenbin, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.
Le fils du dissident, Sebastien Lai, a indiqué samedi à l'AFP après une rencontre avec David Cameron à Londres, que le ministre avait qualifié cette affaire de 'priorité' et en 'avait parlé avec son homologue Wang Yi', le plus haut diplomate chinois.
En découvrant récemment dans la presse, des photos de son père apparaissant 'plus vieux, plus maigre' dans la cour de sa prison, Sebastien Lai a confié en avoir eu 'le coeur brisé'.
'Je ne me fais aucune illusion sur l'indépendance du système judiciaire de Hong Kong', a-t-il ajouté.
Jimmy Lai sera jugé, sans jury, par trois juges choisis par le dirigeant de Hong Kong parmi un groupe de magistrats triés sur le volet.
Son emprisonnement depuis que la plus haute Cour de Hong Kong a refusé sa libération sous caution fin 2020, a marqué un changement à Hong Kong en matière de détention provisoire.
L'avocat de Lai, Me Robert Pang, a soutenu lundi que l'accusation devait être abandonnée au motif que le droit pénal de Hong Kong impose un délai pour de telles poursuites et que le gouvernement avait attendu trop longtemps.
Les procureurs)'n'ont plus de temps, donc le tribunal n'a pas compétence', a déclaré Me Pang, défendant un argument qui a dominé l'audience de lundi.
Le procès a connu de multiples retards car les autorités de Hong Kong ont empêché M. Lai d'être représenté par Tim Owen, avocat britannique des droits humains, arguant de risques pour la sécurité.
'Parodie de justice'
Depuis l'entrée en vigueur de la loi sur la sécurité nationale à Hong Kong en 2020, les défenseurs des droits affirment qu'elle a bâillonné la dissidence et réduit les libertés civiles.
Selon Reporters sans frontières, plus de 100 dirigeants de médias du monde entier ont cosigné une déclaration au début de l'année appelant à la libération de Lai.
'Nous demandons au tribunal de respecter l'Etat de droit et, s'il le fait, il devrait naturellement classer l'affaire', a déclaré vendredi à l'AFP Cédric Alviani de RSF.
Le Comité pour la protection des journalistes a estimé de son côté vendredi que ce procès était 'une parodie de justice'.
/ATS