Le Tribunal fédéral rejette le recours des 12 activistes qui avaient occupé les locaux lausannois de Credit Suisse: la crise climatique ne leur permettait pas d'invoquer un état de nécessité licite. Prochaine étape devant la Cour européenne des droits de l'Homme.
Le 22 novembre 2018, une vingtaine de militants avaient occupé durant une heure le hall de Credit Suisse à Lausanne. Déguisés en Roger Federer, l'ambassadeur de la banque, ils s'étaient livrés à une partie de tennis sauvage pour dénoncer les investissements du géant bancaire dans les énergies fossiles.
Dénoncés pour violation de domicile, 12 militants avaient d'abord été acquittés par le Tribunal de police de Lausanne, avant d'être condamnés en septembre dernier par le Tribunal cantonal à la suite d'un appel du Ministère public vaudois.
Dans son arrêt publié vendredi, le Tribunal fédéral (TF) précise qu'il ne s'est pas penché sur la question de l'urgence climatique. Il s'est contenté d'examiner si les conditions de l'état de nécessité licite, invoqué par les activistes et leurs avocats, étaient réalisées.
Cette disposition du Code pénal, qui justifie une action illégale sous certaines conditions, n'est pas applicable dans cette affaire, ont conclu les juges de Mon Repos. Ils ont notamment estimé qu'il n'y avait pas de 'danger imminent' au moment de l'action menée par les militants, au sens de l'article 17 CP.
Le TF ajoute que l'occupation de la banque ne visait pas à protéger un bien juridique concret: le but des recourants était plutôt de défendre des intérêts collectifs, soit l'environnement, la santé ou le bien-être de la population. Or la loi exclut expressément l'application de l'état de nécessité dans de telles situations.
Les recourants ne peuvent pas non plus invoquer la 'sauvegarde d'intérêts légitimes'. Ce motif, qui n'est pas prévu par la loi, suppose que leur action était la seule possible. Or, d'autres méthodes légales étaient à leur disposition pour alerter l'opinion publique, poursuit la Cour.
'Position attentiste'
Les militants et leurs 14 avocats ont immédiatement réagi à la publication de cet arrêt. Dans un communiqué, ils ont accusé le TF de nier l'urgence climatique et de ne pas reconnaître 'le rôle déterminant' de ces jeunes activistes dans l'éveil des consciences.
Ils rappellent notamment que cette partie de tennis sauvage a connu un fort écho médiatique et que Credit Suisse, suite à cette action, a annoncé plusieurs mesures pour réorienter ses investissements.
Selon eux, la décision du TF revient à 'tolérer une position attentiste qui ne tient pas compte de l'urgence à agir maintenant pour conserver une chance d'atteindre les objectifs fixés par l'Accord de Paris.'
Ils accusent aussi les juges fédéraux de se placer 'du mauvais côté de l'Histoire', faisant notamment référence à de récents jugements français et allemand qui ont constaté l'inaction des Etats en matière climatique.
Les militants de Lausanne Action Climat ne comptent pas en rester là. Ils annoncent qu'ils vont saisir la Cour européenne des droits de l'Homme à Strasbourg, où ils espèrent faire valoir leurs 'droits fondamentaux', notamment la liberté d'expression et de réunion.
Recours admis sur un point
A noter toutefois que le TF a admis le recours des militants sur un point secondaire: dix des activistes avaient été aussi condamnés pour empêchement d'accomplir un acte officiel parce qu'ils n'avaient pas obéi à l'ordre d'évacuation de la police. Ces condamnations sont annulées pour des raisons de procédure.
Pour ce motif, l'affaire retournera au Tribunal cantonal, qui devra réexaminer cette question et fixer de nouvelles peines. Jusqu'ici, les sanctions correspondaient à des peines de 10 à 20 jours-amende avec sursis et à des amendes de 100 à 150 francs.
Cet arrêt du TF était très attendu. Depuis le procès de ces 12 activistes, qui était le premier de ce type en Suisse, plusieurs autres affaires ont été portées devant les tribunaux du pays. Mais jusqu'ici, la jurisprudence au niveau du TF faisait défaut sur cette question de la désobéissance civile en matière de lutte contre le réchauffement climatique. (arrêt 6B_1295/2020 du 26 mai 2021)
/ATS