Les problèmes liés au cautionnement de la flotte suisse de haute mer ont été pris trop tard au sérieux. Les commissions de gestion du Parlement critiquent l'attitude passive du Département fédéral de l'économie (DEFR) et les manquements de l'office fédéral compétent.
Depuis 2008, le secteur maritime est en crise. L'Office fédéral pour l'approvisionnement économique du pays (OFAE) n'a toutefois pas informé correctement le DEFR des problèmes rencontrés par la flotte suisse jusqu'en juin 2015 lorsque la crise a pris de l'ampleur.
Le dossier a ensuite été pris à bras-le-corps. Le Conseil fédéral n'a plus souhaité cautionner à l'avenir les navires en haute mer. Puis en mai 2017, il a présenté aux Chambres fédérales une facture de 215 millions de francs pour couvrir dans l'urgence le cautionnement de treize bateaux qui ont été vendus en été.
Trop passif
Le DEFR est resté trop longtemps passif, a déclaré Yvonne Feri (PS/AG) mardi devant la presse. Dans un rapport, les commissions de gestion reprochent au département de ne pas avoir assez remis en question les activités de l'OFAE. Personne n'a réalisé l’évolution critique de ce dossier. La nécessité de la navigation en haute mer pour l'approvisionnement du pays n'a en outre jamais été remise en question avant le début de la crise.
L'OFAE n'a quant à lui pas suffisamment informé le DEFR. Il a certes attiré son attention depuis 2011. Mais il 'a plusieurs fois fait preuve, dans ses notes d'information, d'un optimisme exagéré'. Les processus lacunaires de l'office en matière de cautionnement sont restés longtemps dans l'ombre.
Selon les commissions, les compétences et les responsabilités de la direction de l’office ont parfois été interprétées de façon diverse, ce qui pourrait avoir contribué à l’émergence des problèmes relatifs aux cautionnements. Se pose aussi la question de savoir si, au lieu d'une fonction de délégué, il ne vaudrait pas mieux opter pour un poste de directeur d'office à part entière.
Mesures prises dès 2015
Une fois que la crise a éclaté, le DEFR a toutefois pris des mesures et amélioré la surveillance sur l’OFAE. Il a informé l’ensemble du Conseil fédéral de manière appropriée. Des leçons ont en outre été tirées dans d’autres domaines aussi.
Des mesures ont été prises pour mieux tenir compte, des risques liés aux cautionnements et à d’autres engagements similaires de la Confédération. Les commissions n'ont par ailleurs rien à redire concernant la surveillance du Département fédéral des affaires étrangères sur l'Office suisse de la navigation maritime.
Pas le CDF
Le département de l'économie est en revanche la cible d'autres critiques. Il n'aurait pas dû se tourner en avril 2016 vers le Contrôle fédéral des finances (CDF) pour mener une enquête administrative sur le dossier.
Les commissions pointent du doigt des problèmes d'indépendance du CDF et d’absence de base légale claire. Une telle enquête doit être confiée à des personnes et pas à un organe. Elle ne fait en outre pas partie des attributions du CDF prévues par la loi. Cet organe avait par ailleurs mené en 2010 et 2014 des audits auprès de l'office.
Les commissions ne sont en outre pas satisfaites de l'enquête elle-même, qui n’a pas été menée avec la rigueur requise. Deux figures centrales, l’ancien chef de l’Etat-major de l’OFAE (1991-2012) et l’ancienne déléguée à l’approvisionnement économique du pays (2006-2015) n’ont pas été inclus de manière adéquate.
Les commissions ont émis plusieurs recommandations à l'égard du Conseil fédéral. Elles demandent entre autres un examen de la structure organisationnelle de l'OFAE, des clarifications concernant les organes pouvant être chargés d'une enquête administrative (et notamment l'opportunité de créer un centre de compétences sur le sujet au sein de l'administration) et une éventuelle meilleure prise en compte des cautionnements dans la gestion des risques.
Autres volets
Les commissions de gestion ne sont pas les seules à se pencher sur le dossier. La délégation des finances a décidé de passer à la loupe la procédure de vente des navires en liquidation ainsi que sur la communication entre l'administration fédérale et les banques impliquées en tant que bailleurs de fonds.
Le Ministère public de la Confédération mène quant à lui une procédure contre l'ancien chef d'état-major de l'OFAE, contre qui le DEFR a porté plainte pour gestion déloyale des intérêts publics et escroquerie. Il lui est reproché d'avoir autorisé le report de l'amortissement de navires cautionnés afin de financer des unités non cautionnées.
/ATS