Les perdants de dimanche en faveur d'une agriculture plus équitable et plus respectueuse de l'environnement n'en démordent pas: la transition agricole est en marche. Le sujet reviendra avec d'autres initiatives. La droite et l'économie sont elles satisfaites.
'On a assisté à une campagne ahurissante où il est considéré comme normal d'avoir moins de paysans'. Pour Pierre-André Tombez, président de l'Alliance pour la souveraineté alimentaire, les blocages entre agriculteurs et avec les consommateurs sont programmés.
Quand on aura atteint un état de crise avancé, on reviendra aux idées du syndicat Uniterre. 'Les politiques, et notamment le PLR, devront s'en souvenir', avertit-il. Les débats lors de la campagne ont montré 'un élan au niveau national pour changer quelque chose', estime pour sa part Fernand Cuche.
Pesticide, engrais de synthèse, densification, productivisme: on cherche depuis le début des années 1990 à sortir de cette impasse avec une agriculture durable, rappelle l'ancien secrétaire d'Uniterre. Il sera intéressant de savoir comment les vainqueurs du jour comptent revaloriser l'acte de produire, c'est-à-dire mieux payer les paysans à moitié entrepreneur et à moitié partenaire de la Confédération.
Plus de durabilité
'Deux à trois exploitations en Suisse ferment chaque jour', rappelle Mathias Reynard (PS/VS). Les discussions ont démontré les besoins de la population en matière de commerce durable. BioSuisse plaide aussi pour une poursuite rapide vers une production agricole plus durable.
Pour Robert Cramer, co-président du comité d'initiative pour des aliments équitables: 'C'est une déception en Suisse alémanique, mais un triomphe en Suisse romande'. 'Se nourrir est un acte politique', selon le conseiller aux Etats vert genevois. Et les défis posés par cette question sont loin d'être résolus.
'L'agriculture ne produit pas que des produits alimentaires, poursuit le directeur de l'Union suisse des paysans (USP), Jacques Bourgeois. Elle veille à protéger les ressources naturelles comme au bien-être des animaux. Il s'agit donc d'une question de société et l'axe de la durabilité doit être renforcé.' Le conseiller fédéral Johann Schneider-Amman doit maintenant mettre en place la politique agricole 2022+.
Swissaid, Action de Carême et Pain pour le prochain vont être attentifs ces prochains mois aux accords de libre-échange. Pour Tina Goethe, responsable Droit à l'alimentation et climat chez Pain pour le prochain, 'même si les Suisses ont dit non dimanche, le fait que huit initiatives touchant l'agriculture et l'alimentation ont été déposées par la société civile depuis 2016 est un signe encourageant'.
Trop radicales
Pierre-André Page (UDC/FR), qui fait partie de la frange des paysans qui a dit non, 'la victoire, c'était l'an dernier avec l'initiative de l'USP sur la sécurité alimentaire.' Cet article parle de durabilité pour les produits importés. Les deux initiatives d'Uniterre et des Verts allaient trop loin: 'On ne peut pas aller dans cette direction, car les produits en Suisse sont déjà d'une excellente qualité'.
Les deux textes auraient en réalité fait beaucoup de tort au monde paysan en le plaçant littéralement sous une tutelle étatique, estime la conseillère nationale Isabelle Moret (PLR/VD), membre du comité interpartis 2x non. La Constitution assure déjà la promotion d'une agriculture durable et respectueuse de l'environnement.
Le PLR se réjouit aussi que les accords internationaux, notamment avec l'Organisation mondiale du commerce (OMC), n'aient pas été remis en question. 'Aujourd'hui, ces accords garantissent un commerce sans heurt et des importations profitant aux consommateurs', selon le parti.
Pour l'UDC, les rejets de dimanche montrent que le peuple ne veut pas de bureaucratie et de prescriptions supplémentaires pour la production et la vente de denrées alimentaires. Les standards en vigueur suffisent. Mais contrairement au PLR, le parti conservateur ne pense pas que les accords de l'OMC empêchent l'importation d'oeufs de poules élevées en cage.
Economie soulagée
Les organisations économiques ont également manifesté leur soulagement. 'Ce double non équivaut à un refus de fermer le marché et d’une politique agricole passéiste et dirigiste', selon economieuisse. L'argument du coût pour le panier de la ménagère semble avoir joué à plein.
Mais la population ne veut pas brader la production alimentaire suisse sur l'autel du libre-échange, a tenu à rappeler la faîtière de l'agroalimentaire (ASSAF). Une protection à la frontière adaptée pour des denrées alimentaires sensibles demeure un élément non négociable.
/ATS